« L’archipel d’une autre vie » d’Andreï Makine

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Ce roman d’aventure, puissant, envoûtant, fascinant, fantastique dépayse sur tous les plans et n’a laissé personne indifférent : une aventure humaine et transcendantale dans la nature sauvage et dépouillée, un conte initiatique, une quête, un roman gigogne avec des histoires dans une autre histoire.

Une belle écriture magistrale, parfaite et enrichissante favorisant les émotions ainsi qu’une construction originale et géniale permettent de les suivre dans cette nature inhospitalière et mettent en exergue les difficultés rencontrées dans cette région très particulière et inconnue.

Ce roman, non manichéen, où tout est traque, est plein de rebondissements et de  suspense : la traque de l’auteur lui-même, jeune, poursuivant Pavel ; celle des 5 hommes chassant le fugitif ; celle de la femme envers ses poursuivants ! Et dans cette chasse où il y a beaucoup de non-dits, les hommes se dévoilent progressivement, personne n’est complètement mauvais ou bon, les pires sont accidentés et rejetés et emportés par le radeau !

Un roman surprenant et dur :

-par la période historique, l’époque stalinienne et les camps d’enfermement.

-par la poursuite effrénée du prisonnier qui s’avère être une femme qui leur glisse des mains, leur échappe comme une magicienne et même les piège.

-par la beauté où tout est beau malgré la dureté des éléments et les difficultés rencontrées, cette ode donne à la nature un rôle de personnage essentiel.

-par les descriptifs précis de cette nature inhabitable, la taïga, par la course effrénée après ce prisonnier évadé qui en fait se révèle être une femme, alors que tous les indices sont divulgués par l’auteur au compte-goutte.

-par les différentes stratégies des uns et des autres pour s’en sortir, des hommes qui veulent devenir des héros et en même temps restent des hommes, en prise avec leur aspect primaire et instinctif, un jeu de vainqueurs et de vaincus, le comportement des hommes qui s’abritent derrière l’uniforme, la veulerie, la méchanceté ; les arpenteurs (ou machinerie frustre de l’existence)  qui s’affrontent pour coucher avec la prostituée ; la générosité de Vassine et de Pavel contraste avec la bestialité et l’orgueil de Louskass et de Ratinsky.

-par l’appel de l’archipel si inaccessible comme la liberté.

Une œuvre philosophique sur la vie et l’existence. Le thème de cette fable est une quête sur la liberté symbolisée par la lumière et la rédemption est représentée par Pavel sauvé par Elkan et par Vassine. « A cet instant le verbe vivre a changé de sens ; exister allait me suffire ». Elkan représente la femme qui soigne, protège, sauve et libère, la mère qui donne la « re »naissance. La symbolique du feu, des 3 feux, est présente tout au long du roman : le feu qui nourrit (cuire les aliments), le feu qui chauffe et guérit (réchauffe la terre, les cataplasmes), le feu qui éclaire (le passage). « Et cette femme, Elkan, se disait Pavel, que j’ai voulu tuer pour mériter un rôle dans la bouffonnerie du monde où, depuis toujours, les hommes vivent en se haïssant ». D’autres questions sont soulevées dans ce livre : la légitimité de la violence révolutionnaire ; un monde guerrier en délire est-il évitable ?

L’aspect psychologique et analytique : l’intérêt de cette course révèle Pavel et lui fait prendre conscience de ses difficultés, de ses attachements, de ses peurs, de ses conditionnements, son moi ou pantin de chiffon.  

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