« La condition humaine » André Malraux

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Je trouve que le parti-pris d’analyser les états d’âme des personnages tout en racontant leur action est un peu pesant, cela donne des chapitres lourds sans parler de ceux à la fin sur le hangar d’extermination. J’eusse aimé moins d’insistance, un peu comme dans le dernier chapitre où Barral est face à ses créanciers, magnifique illustration de ce que nous disent les historiens de l’économie anglo-saxons : le capitalisme français s’appuie sur l’Etat et le ponctionne.

Pour moi, le récit central illustre une maxime de l’art de la guerre et le titre d’un livre de Lénine que je n’ai jamais lu.

Art de la guerre : dès qu’il y a eu des récits sur les guerres, comme La Guerre du Péloponnèse de Thucydide , une maxime surgit : « pour gagner une guerre il faut des alliés mais une fois la guerre gagnée, il faut les soumettre ou s’en débarrasser ». Exactement ce qu’ont fait les Etats Unis en entrant en 1942 en guerre quand les adversaires étaient déjà épuisés et en imposant par la suite le règne du dollar comme monnaie des échanges internationaux, soumettant par le fait ses anciens alliés.

Le livre de Lénine a pour titre : La maladie infantile du communisme  et ce titre me semble très bien illustré par ces personnages : Tchen, Kyo , Katow et autres , alliés du Kouo-Min-Tang mais pensant pouvoir tout de suite installer le communisme ; désobéissant les ordres du PCC et voulant, par la mort de Tchang-Kai-Chek, empêcher leur liquidation. Comme s’ils étaient le centre du monde ou comme si l’action qu’ils avaient entreprise en début de récit les isolait du reste du monde . D’où le catastrophique plan qu’ils échafaudent. Plan  que les conditions de la guerre, le fameux frottement dont parle Clausewitz, fera échouer lamentablement et susciter, de la part de leur ancien allié, une riposte meurtrière.

Lucie m’a fait une remarque : Malraux met en scène seulement des européens ou des métis d’européens. Le texte, narrant les années 1927 et 1928 et transposé en roman peu de temps après les évènements, baigne dans l’atmosphère de colonialisme florissant d’alors. Nous vivons une autre époque où la croyance dans la supériorité de l’Europe de l’Ouest est partagée par les seuls obtus et où  la version brutale et prédatrice du  colonialisme est devenue la culture partagée des leaders décolonisés. Et sa version pédagogique et salvatrice l’apanage des ONG. Donc le côté Pont de la Rivière Kwai de La condition Humaine ne devrait pas nous gêner.

Note sur le frottement : Pour Clausewitz l’art de la guerre est simple sur le papier mais se complique terriblement sur le terrain à cause d’un frottement  (évènement inattendu, mauvaise interprétation d’une consigne, etc.) : d’où une conclusion selon laquelle seuls ceux qui ont l’expérience de la guerre savent la mener.

Pierre T.

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