« La beauté des jours » Claudie Gallay

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La Beauté des jours (Babel) | Actes Sud

Comment ce livre n’a pas fait l’unanimité et tant mieux, donnant plus de piments à nos échanges ! 3 camps se distinguent : pas aimé ; moyennement apprécié ; plaisir à cette lecture. 

L’écriture s’inscrit dans cette mode des phrases courtes et simples, où la complexité des sentiments apparaît dans ce qui n’est pas explicité. Ce genre dépouillé peut plaire, parfois frustrer, parfois lasser. L’écriture se déploie exceptionnellement, presque avec une certaine emphase, comme pour souligner l’importance du symbole. Le style a été trouvé agréable, surprenant, percutant, lourd, ennuyeux, genre dissertation de collège, plaisant ou décevant, pratiquant la distanciation à la Duras sans en avoir l’habileté. Même si au début le style transpire l’ennui, on s’aperçoit qu’au fil des pages, il ne s’agit pas de l’ennui banal et triste mais plutôt de celui qu’on ne sait plus vivre aujourd’hui, celui que l’on combat avec toutes sortes d’envie de faire, de s’occuper, de meubler ! Jeanne s’ennuie et aime s’ennuyer ou alors est-elle bercée et emportée par ses rêveries ? 

Un beau roman d’amour, facile à lire, tout en progression qui coule comme la vie et trace l’histoire de 2 femmes à un moment crucial de leurs vies. Tout le thème de l’ambivalence, de la dualité y est exposé, tout les oppose et pourtant amies, elles sont comme les 2 faces d’une même pièce. Jeanne est d’une nature heureuse, curieuse et rêveuse, tout l’émerveille, une vie bien rangée, un mari aimant et présent, 2 filles sympathiques et qui réussissent, une vie ordinaire, bien organisée, un emploi bien cadré, employée de  bureau, mais sa folie c’est cette passion pour son antithèse, Marina, et le fait de suivre des inconnus et jusqu’où va l’emporter ses rêveries ! Suzanne est malheureuse, râleuse, persécutée, vie décousue et éclatée, sans enfant, larguée par son mari qu’elle voudrait récupérer, un boulot inintéressant, passionnée par rien, sans argent ! Une belle amitié entre elles. 

Jeanne, une femme banale, d’origine simple, mène une vie commune dans une famille ordinaire ! Mais comme sur la couverture, cette femme a une double facette : une vie de fonctionnaire rythmée et ordonnée, où l’ennui semble être présent, évoluant entre un mari attentionné et une famille vivant à la campagne ; une autre facette où une partie d’elle-même est emportée par son imaginaire : suivre des gens au hasard, regarder les trains, imaginer les personnes et leurs vies, observer la nature, le renard, remarquer les mains, compter ; elle se laisse vivre à travers ses rêves jusqu’à s’identifier et vivre par procuration à travers Marina Abramovic, artiste déjantée, hors du commun, qui, lors d’expositions, pratique des actes très dangereux pour transcender ses peurs et devenir libre.  

L’auteur, à travers une histoire banale, a su retracer la beauté du quotidien, même dans la routine et le rituel (le couvert, le déjeuner du dimanche chez les parents, le train) et montrer l’introspection de Jeanne et sa sensibilité (Zoé probablement autiste, son amie en détresse, son lien fort avec sa M’mé qui dit «la gourmandise est un pêché et l’esprit doit être plus fort que le corps» et en même temps «la chute n’est pas une faute, l’important c’est de progresser»). Même sur un sujet aussi mince où la vie ordinaire monotone est rythmée par des habitudes, l’auteur est capable de construire des personnages intéressants, de disserter sur la vie de Jeanne : un personnage attachant qui aime la vie et s’invente une autre vie à travers 2 symboles, le cadre de Marina et le suivi hasardeux de gens ce qui va l’amener à la rencontre de Martin. Cette rencontre va éveiller son désir qui se concrétise jusqu’au moment du choix, partir au Japon ou rester ! Et finalement « Jeanne se sentait enfin en équilibre, comme lorsque, en de très rares et brèves occasions, ce que l’on est, parvient à rejoindre ce que l’on croit être, et se noue à ce que l’on fait ». Avoir le choix est une belle liberté ! 

De la famille paysanne sans vacances, on évolue vers la famille employée qui part tous les ans en  à Dunkerque, puis vers les filles qui font des études et voyagent à l’étranger : l’ascenseur social a fonctionné ! Des familles qui font ce qu’elles peuvent et Jeanne voudrait que l’on grave sur sa tombe : « elle n’était pas parfaite mais elle a fait de son mieux ». 

Un roman qui soulève en filigrane de nombreux thèmes : le couple, la quarantaine, un bonheur tranquille, la famille et ses racines, la routine et le rituel,  la mort et le suicide, l’acceptation de la différence (Zoé, le tête plate), l’amitié, la générosité et l’écoute de Jeanne envers Suzanne, des personnages vrais et non caricaturaux, la sensibilité, devenir artiste : « j’ai longtemps cru qu’on devenait artiste à partir d’une enfance difficile ou alors si on avait connu un drame ou bien la guerre, ou si on avait un don. Mais ce n’est pas ça, on devient artiste parce qu’on est sensible et parce qu’on est mal dans le monde, ce n’est pas une question de don mais d’incapacité à vivre avec les autres, et cette incapacité à vivre crée le don », la sensibilité et le cœur avec le symbole de l’enregistrement des battements du cœur, les fêlures de Jeanne liées à la froideur du père taiseux, aigri et frustré (perte d’un fils mort-né, que des filles, la transmission de la ferme et du nom), les non-dits, l’importance des regards et la folie de marina.  Pour l’aspect négatif : un thème banal, la crise de couple à la quarantaine, des clichés, surfait, des personnages inintéressants surtout Remi, une catastrophe qui ne s’intéresse à rien, seul l’amant, l’intello semble obtenir gain de cause !beaucoup d’invraisemblances

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