Le tour de l’Oie a majoritairement été accueilli fraîchement autant par des lectrices qui le découvraient que par celles qui le connaissaient et avaient déjà lu une bonne partie de son oeuvre . Quelques avis positifs cependant et même enthousiastes dont une lectrice qui découvrait Erri de Luca. L’écrivain qui se livre à un exercice d’introspection s’expose aux critiques de ses lecteurs plus habitués à des histoires romancées, bien que dans Le Tour de l’oie, Erri de Luca poursuit son style elliptique , dépouillé auquel il nous a habitué dans son oeuvre et que tous ses livres comportent des anecdotes personnelles, métaphoriques . Alors pourquoi cette réaction émanant parfois de celles qui connaissaient et aimaient cet auteur ?
Erri de Luca se met en scéne avec un fils imaginé, qu’il n’a pas eu et qu’il aurait pu avoir. Aurait il voulu l’avoir ? c’est moins sûr. Le livre , court mais dense par les réflexions que chaque phrase suscite, commence par un long monologue un soir au coin du feu , un soir d’orage sans électricité. Et l’auteur narrateur démarre : « Ce soir, tu es présent et tu écoutes « , Mais ce fils pourrait être aussi son double, une métaphore du personnage dans la vie et celui incarné par l’auteur public, qui a reçu maintes fois des distinctions et qui se doit à ses lecteurs. Au fil des histoires, des souvenirs, des mots lancés , le fils se met à en scène et interroge son père , sur ses contradictions, jouant le rôle de miroir. Les sujets qui le tiennent à coeur défilent : ses engagements politiques, ses années de luttes, sa vie d’ouvrier, l’amour de la langue, le choix de l’italien, Naples sa ville de naissance , l’amour pour sa mère, Doestoievski, mais aussi la montagne , la solitude . Et à la fin le fils décrit ainsi son père : « Je te résume : révolutionnaire, ouvrier, émigré..
L’auteur se fait modeste , mes mots sont simples, « la ligne à lire doit se situer entre deux battements de cils » prévient il dans la préface ce qui revient à 1/3 de seconde de lecture. Pas de trame, les sujets sont lancés, apparemment sans ligne directrice. C’est une des raisons de la déception à cette lecture : décousu, froid,sans véritable âme alors que les inconditionnelles de Erri de Luca ont aimé son côté touchant, pudique tout en comprenant qu’on ait pu décrocher.
On est pris dans le tourbillon des pensées de l’auteur , comme au jeu de l’oie où le lancer de dés va engendrer l’aléatoire mais aussi se poser sur des cases . Le père et le fils s’affrontent sur les choix de leur chemin de vie. Le père prétend ne rien maîtriser quant à sa vie d’écrivain son écriture pas plus que sa vie. « J ‘ai joué au jeu de vivre dedans . Quel jeu ? Le jeu de l’oie. On lance les dés et on se déplace dans un circuit en spirale. .. Un jeu d e parcours. Le corps est le jeu, je suis le pion. La table et le banc en sont les cases… La liberté a été d’avoir un dé en main avec le choix de le lancer ou pas , comme devant un mur à escalader ou pas. Comme la piste du jeu de l’oie , la terre est donnée… »
« Je n’approuve pas qu’on se laisse aller au hasard et aux circonstances dit le fils . je suis quelqu’un qui a voulu, je fais partie de l’espèce vivante à laquelle est permis le libre arbitre et je l’utilise le mieux que je peux. »
La trace que veut laisser l’auteur ? «Intéresser la postérité ne m’intéresse pas .. L’écriture est mon moi aujoud’hui et je suis content qu’elle soit, quelque part l’aujourd’hui d’un lecteur… Les lecteurs suivants auront leurs auteurs suivants »
« Dans quelques milliers d’années, la Terre effacera toute trace de notre présence. Nos descendants très lointains se référeront à notre époque comme celle de la grande exctinction. »
Son fils le pousse dans ses retranchements , ses contradictions : il n’est pas le seul d’aligner des mots et pour qui ? pour les lecteurs que nous sommes , il écrit dans la solitude . Terrible contradiction de vouloir aligner les mots qui soient écrits et proposés à la lecture , qui ne peuvent rester pour lui seul, car il est primé, reconnu et doit assumer de se trouver face à la salle , des lecteurs venus l’écouter .
D’autres anecdotes,ont retenu notre attention comme l’histoire racontée par Orwell du condamné à la pendaison qui quand il va sur l’échafaud, s’écarte pour éviter une flaque et Orwell « réalise ce que signifie détruire la vie d’une personne en plein conscience » , image du tricheur personnifiée par l’enfant borgne qui face à des cercles qui entourent des trous explique q’il tire d’abord et ensuite déssine les cercles.
Autres livres d’Erri de Luca à recommander : « Le poids du papillon » et « Impossible »
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