« La fabrique des salauds » Chris Kraus

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La Fabrique des salauds | Lisez!

Un titre accrocheur pour un roman addictif.

Les salauds  sont ces personnages qui ne sentent jamais responsables de leurs choix, et dont la vie n’est qu’une succession de trahisons,  compromissions, témoins d’actes délictueux jamais dénoncés, , selon eux ballotés au hasard des circonstances, qui se tirent toujours d’affaire et n’éprouvent aucun remords. Trois personnages principaux fictifs sont au coeur de ce roman fleuve de 900 pages qui traversent la grande Histoire du XXème siècle et ses conflits mondiaux, en passant par Riga, Berlin, Moscou, Paris ou encore Tel Aviv.

Hubert, Koja, et Ev 2 frères et une sœur (adoptée, juive ) vivent à Riga en Lettonie avec leurs parents d’origine allemande. Le grand père pasteur a été assassiné par les bolcheviks. Hubert né le jour de la mort de son grand père , commence à faire des études pour devenir pasteur mais à la montée du nazisme il s’engage dans les troupes des jeunes nazis et peu à peu ,devient un parfait nazi. Son frère, à l’âme artiste, plus attiré par la peinture et les  caricatures que par la politique suit les traces de son frère aîné,  par paresse, par « faiblesse », par désœuvrement , ou plutôt selon lui parce qu’il n’avait pas le choix . Cet engagement en tant qu’acte conscient et réfléchi  qu’il reniera tout au long de sa vie est au cœur du roman. Car toute sa vie n’est ensuite qu’une succession  d e non choix conscients selon lui, il minimise la portée de ses actes, que ce soit dans la sphère privée comme dans la sphère publique.

Le roman commence par une scéne à l’hôpital , nous sommes dans les années 70,  Koja  hospitalisé pour une balle qui a traversé son cou, se retrouve dans une chambre avec un jeune hippie pacisfiste. Il commence à lui retracer sa vie, une sorte de confession  tout en minimisant son implication il n’omet aucun détail sordide, aucune de ses trahisons. Car c’est un passé chargé qu’il raconte avec une forme d’humour ce qui tend à exaspérer son voisin de chambre qui  devient de plus en plus hystérique. Koja ne l’épargne pas et raconte tour à tour son passé de nazi,  témoin des meutres en masse les plus sordides, d’arrestations, de tortures, il devient ensuite agent du KGB , puis recruté par la CIA sur la base de son expérience  pour finir espion du Mossad. Astuce d’écriture de l’auteur qui  tout en s’adressant au lecteur que nous sommes , a choisi pour atténuer ou amplifier l’effet de sidération  un dialogue entre Koja sur la fin de sa vie et ce jeune épris d’idéalisme et de liberté , atteint d’une maladie incurable.

Seul bémol dans ce roman fleuve truffé de ficelles des opérations secrètes, de subtilités de langages  , caractéristiques des espions, pas toujours accessibles au lecteur moyen.

En revanche on découvre ou redécouvre avec effroi le cynisme et les faces cachées de la politique interatioanles, les bases des accords secrets pour maintenir des équilibres mondiaux.

Comment devient un salaud ? C’est la question lancinante que le lecteur se pose tout au long de ses pages ? Les autres personnages ne sont guère des modèles de vertu. Autant Ev qui épouse successivements ses deux frères , que la plupart des personnages qui se croisent tout au long du roman.

L’autre question  qui obsède le lecteur à partir de la 2ème partie du roman : Comment d’anciens nazis fortement motivés, du sang sur les mains, ont pu à l’après guerre être recrutés pour bâtir l’Allemagne démocratique »

« De mon côté, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, je devins un bon nazi. Je ne m’en rendis même pas compte. Nombre d’entre nous, en firent autant, presque à leur insu. Car devenir un bon nazi était comme devenir un bon chrétien, . Les bons nazis étaient une évidence. Il n’y en avait pas d’autres , et les choses se faisient d’elles mêmes ».

L’auteur de ce roman, Kris Kraus est  réalisateur , scénariste auteur de nombreuses œuvres cinématographiques qui lui ont valu de nombreux prix et écrivain. La fabrique des salauds (traduction française de (Das kalte Blut)est son 4ème roman et c’est en faisant  une enquête sur sa propre famille, des Allemands originaires des Pays baltes, que l’auteur  découvre que son grand-père s’est rendu coupable de crimes sous l’uniforme SS.

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