« L’effet Larsen » Delphine Bertholon

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L'effet Larsen - Delphine Bertholon - Babelio

Même si ce roman n’a pas fait l’unanimité complète il nous a permis une riche et conviviale discussion car il interpelle sur de nombreux thèmes : la recherche du père, la généalogie, la PMA et GPA, l’attentat, le drame, la lâcheté, l’injustice, la faute, la culpabilité, les non-dit, le secret, les traumatismes, l’aveu. Même si ce fut parfois difficile d’entrer dans cette œuvre dure, alors grâce à la construction et à des passages très forts, l’auteur a su piquer et intéresser le lecteur. Le fond très intéressant tournant autour de 2 protagonistes essentielles, mère et fille, est enveloppé de personnages secondaires bien typés, parfois caricaturaux et d’une construction artificielle pour certains ou captivante pour d’autres, de facture inégale avec trop de symboles mais au suspense bien mené jusqu’à la fin, un livre profond et juste sans pathos.

             Le ton, les mots, les phrases courtes et percutantes donnent du naturel, de la spontanéité et du vivant dans cette histoire sordide de souffrance soutenue par l’alternance entre les souvenirs d’enfance. A travers la réalité des descriptions très colorées, crues, imagées et précises comme l’immeuble, la voisine, le café, le voisin et ses enfants, l’évocation et l’importance des couleurs (Nola avec ses différents vernis), l’insalubrité de l’immeuble, les crises de sa mère et son délabrement (« cet ectoplasme qui me servait de mère »)  et la puissance de toutes ces souffrances, l’auteur en fait une belle histoire d’amour entre tous ces personnages (fille, père, mère, oncle).

            Le thème fondamental est l’attentat dramatique avec la mort et une belle analyse du deuil : grâce au style, à l’humour, à l’art (l’oreille cacodylate) et aux personnages attachants, l’auteur a su alléger, mettant ainsi de la balance dans ce drame.

            Secret et culpabilité sont les éléments primordiaux avec l’étude du grand choc émotionnel et ses conséquences psychiques. Le secret et la culpabilité de Mira l’entraînent dans la dépression qui va jusqu’à la somatisation et notamment le début de surdité, l’hypoacousie, l’allergie aux bruits comme les acouphènes, l’effet larsen, les saignements de l’oreille ; Mira développe des symptômes pour survivre ;  son mari a été tué par une balle qui a touché son oreille ; culpabilité par rapport à la relation et l’attirance qu’elle a eu pour son beau-frère et probablement culpabilité liée à l’incendie qui a provoqué la mort de ses parents, elle ne sait pas ce qui s’est exactement passé, elle avait 13 ans !(332 belle page sur sa culpabilité). Un autre élément a surgi, mérite et culpabilité :  avoir une belle vie et brutalement le drame, qu’a-t-on fait pour mériter cela ?

            Tout le roman est soutenu par la générosité, le courage et la ténacité de Nola (=pas là) qui fait face et devient la mère de sa mère à 18 ans ! Est-ce son rôle ? Elle réagit très bien sans s’oublier elle-même, une belle leçon de résilience, une battante.

            Le livre est construit de façon originale comme le titre avec bruit net puis grésillement perpétuel : la mort du père, le déménagement dans l’immeuble, la mère développe l’hyperacousie et bouche toutes les sorties, Nola n’avait pas prévu de bosser dans un bar, l’hyperacousie empire, l’oreille saigne, hospitalisation, coup de fusil reçu par le père à l’oreille, somatisation, Nola commence elle-aussi à faire une fixation sur l’oreille, elle va se faire percer les oreilles puis découvre l’œil cacodylate de Picabia qu’elle applique au dessin avec les signatures, cet art devient thérapeutique et lui ouvre le monde, début de la guérison, rencontre avec Jonas, le salon de coiffure se vend…

            Autres remarques : l’ambiance de cet été-là, la grande chaleur, la canicule ; parfois l’incompréhension de Nola dans l’attitude et la souffrance de sa mère et après la mort de son père, Nola a l’impression de ne pas suffire à sa mère, un sentiment terrible d’être inexistante « réclamer de l’amour à une âme si cassée, c’est comme faire l’aumône auprès d’un sans-abri » ; la lâcheté du tueur et le fait que le tueur soit tué fait qu’il n’y aura pas de procès, de l’utilité ou non d’un procès ; la symbolique de l’oreille : les boucles, les trous symbole du vide, et de sa peur, la forme en conque en spirale ; la perfection de son oreille, le nombre d’or, l’oreille associée à la maternité, la naissance, métaphore vaginale, organe des sens qui se développe en premier, dans la vie fœtale ; l’impossibilité pour Jonas et Nola de vivre ensemble, il y a la barrière de la tuerie, le manque, la sensation d’une relation incestueuse.

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