« Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon » Jean Paul Dubois

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Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon Prix Goncourt 2019  - broché - Jean-Paul Dubois - Achat Livre ou ebook | fnac

Même si la plus grande partie du récit de la vie de Paul se passe au Canada, l’auteur nous fait voyager de Skagen au Danemark en passant par Toulouse puis Montréal. Tout part de Skagen où est né son père pour s’y terminer, Paul à sa sortie de prison rejoint Skagen, chez les pêcheurs de plies. La boucle est bouclée !

             Le roman d’une vie où tout est contraste et même dès le départ : opposés des protagonistes, ambivalence chez un même personnage comme le père ; Danemark-France ; mère-père : athée, libre, indépendante, elle dirige un cinéma qui sera amené à diffuser des films porno ; lui, austère, conservateur, pasteur protestant, deviendra addict aux jeux ; Toulouse-Montréal : chaleur, froid ; Paul-Winona ; Paul-Horton ; prison-liberté ; Paul très occupé dans son immeuble et rien à faire en prison ; Paul (empathie et gentillesse)-Sedwick (antipathie et autoritarisme) ; la prison-le directeur ; les paysages et la nature.

             L’intérêt de ce roman réside sur le fait que Dubois, dans un récit bien documenté, réussit avec brio à mêler la rétrospective de la vie de Paul en même temps que la description du temps présent carcéral qu’il vit avec son codétenu Horton. Cette alternance, cet entrelacement tissent le roman et le rendent très intéressant, vivant, facile à lire tout en maintenant le suspense jusqu’au bout ( pourquoi la prison). Une construction originale qui étapes par étapes crée une atmosphère.

             L’écriture est riche avec de très belles descriptions « le froid fait du bruit et le bâtiment souffre comme un humain »)avec un vocabulaire imagé, recherché, évocateur.            

             Un livre fluide avec la sensation d’une histoire vraisemblable, agréable à lire car sous-tendue par le ton et l’humour avec le franc-parler de sa mère et le langage cru, très vrai et sans fioriture de Horton. Cela donne de la légèreté à cette histoire et crée une sensation de dédoublement chez Paul, comme s’il se regardait avec détachement, un témoin de sa vie.

             Tous les personnages sont très typés avec des protagonistes remarquables et un parallèle marqué entre Paul et Sedwick et entre Paul et Horton :

-Paul paie sa note en prison, reprend sa vie en convoquant ses fantômes, écoute son langage intérieur en dialoguant avec eux comme un accompagnement, une protection (père, Winona et Nouk), comme s’il n’y avait pas de séparation entre la vie et la mort. En prison, il devient partie prenante et s’investit d’une façon indirecte en écoutant Horton, en le respectant, en le conseillant. Paul en tant que superintendant à l’Excelsior, résidence de 80 appartements, n’a pas une vie folichonne mais il est quelqu’un de bien, humain, généreux, bienveillant, serviable, attentif, respectueux, gentil, sans ambition, qui fait son travail proprement et amoureusement ; un touche à tout qui sait tout faire et rend service à tout le monde jusqu’à pas d’heure, il a envie de réparer les choses, bien les traiter, soigner, surveiller les choses comme gens et il se fait éjecter par

-Sedwick qui représente la loi et sa rigidité, personnage pervers, arriviste, malsain, exigeant, désagréable

-Horton, le biker, personnage truculent

-Winona : femme libre, pilote d’aéroplane survolant les lacs

             Un livre avec de nombreuses références :

-littéraires, Steinbeck, La Fontaine, Irving

-une période dense par l’abondance des sujets abordés : la religion, la tolérance, l’absence de foi, la fraternité, le deuil, l’addiction, la force de l’amitié et de l’amour, l’attachement, les racines (le père Danois, Winona à la fois Irlandaise et Algonquine)

-l’auteur montre comment le pouvoir, la loi, le syndic brisent un homme et aussi en filigrane comment les mines d’amiante détruisent les homme ; la puissance de la Ford Pinto qui achète les familles des victimes ; l’ambiance de la copropriété, métaphore de tout groupe

– la richesse des descriptions à travers ce demi siècle : depuis 1968 à nos jours avec des problèmes parcourus, comme des clins d’œil, sans jugement, juste des faits énoncés  (mai 1968 a marqué la famille) ; l’importance de l’automobile (défaillances des voitures, comportements des dirigeants, bichonner sa voiture, en parler) ; la région de Thetford mines avec les mines et l’amiante qui empoisonne ; la prison et la vie  des détenus, l’insalubrité, la promiscuité ;  l’orgue Hammond, ses quatre-vingt-onze pignons et l’organiste. Un beau livre qui a beaucoup plu !

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