« Une machine comme moi » Ian Mc Ewan

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Une machine comme moi - Du monde entier - GALLIMARD - Site Gallimard

Après une série de livres intimistes, un roman anglais à l’humour caustique, traitant d’intelligence artificielle ne pouvait que me séduire. Ce fut le cas avec Une machine comme moi de Ian Mc Ewan..

Le narrateur Charlie, trentenaire , vivant dans un appartement miteux, vivant de petits boulots incertains, vient de perdre sa mère et gagner un héritage. Une occasion rêvée pour  s’assurer  a minima un logement décent. Oui mais Charlie a en tête l’achat d’un robot androïde le plus perfectionné qui soit en intelligence artificielle et le plus proche d’un humain jamais créé. Doté de réflexes  humains, il est poète, écrit des haïkus, il éprouve des sentiments , il sait  faire l’amour, tenir de subtiles conversations et accéder à des millions d’informations inaccessibles aux humains, ce qui lui donne un avantage certain dans l’interprétation de faits et la prise de décision. Ce Type de robot a été conçu en quelques exemplaires féminins appelées Eve et masculins appelés Adam, se distingant par quelques traits physiques différents. Charlie  opte pour un humain, les traits plutôt avantageux, grand colosse,  reste à fignoler les traits de personnalité. Pour s’assurer qu’il ne l’influencera pas il s’adjoint les services de sa voisine du dessus dont il est vaguement amoureux et tous 2 vont lui insérer quelques traits le rendant  encore plus humain. Pour les besoins de l’histoire ,comme chez Mc Ewan, rien n’est jamais simple ,   l’auteur donne vie à Turing qui en 1982 est toujours actif et suit ce programme avec attention.  En 1982 , la technonologie telle que décrite par l’auteur est plus proche de celle d’aujourd’hui mais qu’importe on nage en pleine uchronie et ce choix rajoute au charmede la narration.  On est en pleine guerre des Falklands  et  l’auteur  déclare l’Angleterre partie à l’assaut de reconquêtes de ces terres lointaines est en train de perdre face aux  argentins, à qui les français en perfides adversaires ont vendu les Excocet ,  leurs avions de chasse dernière génération.

Adam  arrive donc dans le logement de Charlie , il s’adapte, exécute parfaitement les tâches ménagères  et si ses batteries sont bien rechargées , il n’a pas besoin de sommeil, et peut  se lancer avec beaucoup plus de succès que Charlie dans le boursicotage , activité peu rémunératrice de Charlie. C’est ainsi que Charlie se voit bientôt à la tête d’un joli magot aussi inattendu qu’inespéré.  Miranda la belle jeune étudiante du dessus est tombée dans les bras de Charlie mais Adam aussi est sous le charme  de Miranda et lui écrit des haikus enflammés. Ce trio  évolue au rythme des tensions, des jalousies, mais globalement vit en bonne entente .  L’auteur joue encore avec l’humour quand il met ens céne le père de Miranda auteur méconnu qui croit que Adam qui disserte du John Donne est l ‘ami humain de sa fille alors que Charlie, inculte,  qui se préesente comme spécialiste de l’informatique et moins brillant à l’oral serait le fameux robot.

Mais Mc Ewan ne se contente pas de raconter une histoire classique de ménage à trois même si l’une des composantes du trio est un robot, ce qui en fait une histoire peu banale : Il aborde des questions morales et d’éthique et pose des questions de l’homme face à l’usage de l’intelligence artificielle. Car sans révéler la suite du roman, Miranda cache un secret  qui permet à chacun des acteurs de révéler sa vraie personnalité : chacun est amené à exprimer son point d e vue sur la situation, faire des choix , porter des jugements, agir , s’accommoder de petits arrangements, . Comment sont-ils  guidés . par leurs émotions, leur sens moral ? Adam, capable de joutes verbales, doté d’une mémoire exceptionnelle , capable de déductions, est il au même niveau de conscience ? Il est tout puissant et en même temps très vulnérable. Nous le voyons évoluer au fil des jours, le doute s’installe en même temps qu’il améliore sa compréhension du monde qui l’entoure. Et malgré la situation il refuse les imperfections et se range du côté absolu du principe de vérité quitte à s’attirer des ennuis « Il y a des principes plus importants que vos besoins … La vérité est tout «  déclare t il

Le robot Adam se fait lyrique et idéaliste sur les rapports entre humains et robots« Quand le mariage de l’homme et de la femme avec la machine sera total, cette littérature (issue de romans plein de tension dramatique, de dissimulation et de violence avec des moments d’amour ..) deviendra superflue, parce que nous nous comprendrons trop bien les uns les autres. Nous habiterons une communauté d’esprits auxquels nous aurons un accès immédiat.. ; lorsque nous vivrons dans l’esprit d’autrui , nous serons incapables de tromperie. »

Mc Ewan invite le lecteur à s’interroger sur le  danger de créer ce que l’on ne pourrait plus maîtriser, le rapport entre la machine et l’esprit humain et pose aussi la question : que va t –il arriver si on met face à face des machines plus intelligentes que l’homme mais avec plus de morale ?  danger de créer ce qu’on ne peut contrôler , si nous construisons une machine capable de lire dans nos cœurs , pouvons nous espérer qu’elle aime ce qu’elle va y trouver ? cohabitation de personnages parfaits ou qui se reconfigurent pour être parfaits face aux tares des humains «  on crée une machine possédant l’intelligence et la conscience de soi et on la précipite dans notre monde imparfait »

« Je crois que les Adam et Eve étaient mal équipées pour comprendre les décisions prises par les humains. Le fait que nos principes, soient pervertis par la force de nos émotions, par nos préjugés, nos illusions, et tous les autres défauts bien répertoriés de nos facultés cognitives. Ils n’ont pas tardé à sombrer dans le désespoir. Ils ne pouvaient pas nous comprendre, parce que nous ne nous comprenons pas nous mêmes. Leurs programmes d’apprentissage n’étaient pas compatibles avec nous. Si nous ne nous connaissions pas notre propre esprit, comment avons –nous pu concevoir le leur et nous attendre à ce qu’ils soient heureux parmi nous ? Mais ce n’est qu’une hypothèse «  Alan Turing dans le texte

Effet nul des paramètres de personnalité L’effet est minimal car « Ces machines sont mues par le besoin irrésistible de faire leurs propres déductions et de se reconfigurer en fonction du résultat. Elles comprennent rapidement, ainsi que nous devrions le faire, que la conscience est la valeur cardinale »

Bilan de cette expérience  tiré par Turing selon l’auteur  « Ces 25 hommes et femmes artificiels lâchés dans la nature ne vont pas bien. Nous sommes peut être confrontés à un état limite –limite que nous nous sommes imposés à nous mêmes. On crée une machine possédant l’intelligence et la conscience de soi et on la précipite dans un monde imparfait. Un tel esprit conçu selon des principes généralement rationnels, bienveillant envers autrui, se trouve vite aux prises avec un ouragan de contradictions. Nous pouvons guérir des millions de maladies mortelles. Des millions de gens vivent dans la misère alors que nous pouvons les nourrir. Nous dégradons la biosphère alors que nous savons qu’elle est notre seule demeure. Nous nous menaçons les uns les autres avec des armes nucléaires tout en sachant où cela peut nous conduire. Nous adorons les créatures vivantes , mais nous autorisons une extinction massive des espèces. Et tout le reste : génocides, tortures, esclavagisme, violences domestiques, maltraitance des enfants, fusillades, viols, … nous vivons avec ce tourment et nous ne nous étonnons pas de réussir à trouver le bonheur malgré tout et même l’amour. Les esprits artificiels ont moins de défenses que nous «  fait il dire à Turing.

 «  Il me semble bien avoir compris qu’il ne faut pas avoir peur de l’intelligence artificielle car finalement, la bêtise humaine est tellement grande que l’intelligence artificielle ne peut rien contre elle. Les robots sont tellement intelligents que, quand ils voient ce à quoi nous croyons, l’amour, la culture, tout ça n’a aucun sens pour eux ils finissent par se suicider »

Ce livre jubilatoire, empreint d’humour caustique, présente une vision à mon avis plus optimiste que pessimiste malgré les apparences, si vous aimez vous plonger dans les possibilités du monde de demain, lancez vous dans la lecture  .

 En tout cas la cohabitation entre humains et robots est loin d’être au point.

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