« Impossible » Erri de Luca

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Impossible

Les dernières parutions d’Erri de Luca sont surveillées, scrutées, suivies de près dans mon petit Cercle. Après « Le Tour de l’oie » lu avec mes amies clamartoises , la sortie d' »Impossible » chez Gallimard a encore fait l’unanimité.

Avec « Impossible » Erri de Luca renoue avec ses thèmes favoris : la justice, la liberté, l’amour, l‘amitié mais aussi ses passions dans sa vie les combats révolutionnaires, la marche en montagne, la solitude.

Une sorte de huis-clos entre un jeune juge et un narrateur qui présente des points communs avec l’auteur.

Que reproche t-on au narrateur ?

Le livre commence alors qu’il est face à un juge chargé d’instruire une affaire étrange, un accident de montagne.

Le narrateur est passionné de montagne. Un jour, il est allé seul, sur une voie réputée difficile où il est important de  regarder ses pas   « Le passage sur cette vire exige de la concentration, de regarder fixement par terre, un pas après l’autre« . Ce jour là, il n’était pas seul, devant lui un autre marcheur hâtait le pas, le narrateur a été très vite distancé jusqu’au moment où bloqué dans son ascension  il a été attiré par  des vêtements au fond du précipice. Il a alors appellé les secours. Telle est sa version des faits dont il ne dérogera pas. Il n’est pour rien dans la chute de la victime. « Ensuite je suis revenu sur mes pas. Et maintenant, depuis quelques jours, je répète cette journée pour la troisième fois »…

Or, la victime (la personne qui marchait devant lui et qu’il n’a pas reconnue selon sa version des faits) était un de ses anciens compagnons de route dans ses années de luttes révolutionnaires, un ami allant jusqu’à presque devenir frères de sang. Or ce même homme a trahi par la suite, il a dénoncé le narrateur ainsi que d’autres compagnons de lutte, entraînant des peines de prison.

Pour le magistrat, cette situation de s’être trouvé par hasard au même endroit est « hautement improbable et cela en devient impossible » Pour cette raison, le juge l‘a soupçonné  d’être un meurtrier par vengeance, il l’a inculpé et incarcéré en préventive dans l‘attente des aveux du narrateur.

Pour le narrateur « impossible » est la définition d’un « évènement jusqu’au moment où il se produit, vous ne pouvez nier les coïncidences »

J’ai aimé ces dialogues, de véritables joutes verbales  entre 2 générations qui se déroulent sur plusieurs entrevues. Le juge d’instruction campé dans ses certitudes répéte sans cesse les mêmes questions, cherchant à comprendre, à piéger son suspect pour avoir la vérité et le narrateur à la fois détaché, hermétique à tout compromis avec le juge, est prêt à rappeler sans cesse ce qu’il appelle les faits.

Car après tout, le scénario du juge est tout à fait possible et sans preuves, il sait qu’il ne peut rien faire, donc nous ne saurons jamais la vérité.

Le narrateur dès le départ concède au juge qu’il décide des sujets abordés mais que lui décide s’il a envie ou pas de livrer un souvenir. Ceci étant, il  livrera beaucoup de ses souvenirs finissant par déstabiliser le jeune juge qui va même par surmonter sa peur de la montagne et aller sur les lieux. 

Et cerise sur le gâteau, Erri de Luca insère entre deux entretiens avec le juge des lettres poétiques adressées à une amoremio,  une amie aimée, rompant avec la logique des questions/ réponses.

Un vrai coup de coeur.

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