« A la ligne » (Feuillets d’usine) Joseph Ponthus

with Aucun commentaire
A La Ligne - Feuillets D'usine   de Ponthus Joseph  Format Beau livre

« A la ligne » à peine publié, a été salué par la critique littéraire comme un événement dans la littérature contemporaine. Il est qualifié de poème en prose, l’écriture est faite de phrases courtes, fragmentées à l’image du travail à la chaîne dans des conserveries de coquillages et des abattoirs bretons où l’auteur est embauché en tant qu’intérimaire. Il décrit les gestes, les bruits la souffrance du corps. A la différence de l’Etabli de Robert Linhart qui s’inscrit dans le registre des idées, A la ligne s’applique à  transcrire les sensations, les émotions du corps en prise avec un travail qui déclenche la nausée, celle des odeurs de sang, de mort. Il exprime la colère, la fatigue, la férocité, mais aussi la fraternité et parfois l’humour qui règnent dans cet univers où l’humanité s’efface devant la brutalité.

Lors d’entretiens dans divers médias  Joseph Ponthus a dit que « l’entrée dans l’usine a été pour lui une véritable déflagration physique et mentale … et qu’il a convoqué ses lectures pour se raccrocher au réel » : des poètes comme Apollinaire, Cendrars, Aragon des auteurs de roman comme A. Dumas dont il a lu une dizaine de fois Les trois mousquetaires, ou encore les auteurs de chansons notamment celles de Charles Trénet. Ce travail de mémoire l’aidait à faire passer le temps et l’écriture quotidienne après le travail pour ne pas oublier « c’était la vie ».

Telles sont les raisons pour lesquelles la majorité  des participants du cercle ont loué ce livre : « un des plus beaux livres lus récemment », « sa rage et son amour pour la vie m’ont emporté avec lui », « un livre qui donne à voir ce que veut dire mauvaises conditions de travail qui sont parmi les pires dans les industries agro-alimentaires ».

Les personnes  qui n’ont pas aimé ce livre lui reconnaissent son originalité, son intérêt, sa force, sa langue mais n’ont pas éprouvé de plaisir à le lire, trop violent, trop sombre voire  sinistre et « rasoir ».

Pour finir la discussion a porté sur la vie de l’auteur et les motifs qui peuvent l’avoir conduit à l’usine après avoir été éducateur de rue et réalisé des études supérieures littéraires très sélectives : son échec à l’entrée de l’Ecole normale supérieure, l’ « absence d’objectifs en dehors de sa vie privée, un mécontentement permanent qui pourrait déboucher sur un mouvement type gilet jaune », en « état de fuite … »

Questions qui resteront sans autre réponse que celle donnée par l’auteur lui-même :

« Vu le temps qu’on a de penser à  l’usine quand le corps travaille

Mes angoisses auraient dû sortir encore plus vivaces

Ce n’est pas ma place mon boulot ma vie qu’est-ce que je fous là avec toutes mes années d’études ce que j’ai lu écrit ou compris du sens du monde

Mais non

Bien au contraire

L’usine m’a apaisé comme un divan

La fin de l’usine sera comme la fin de l’analyse

Elle sera simple et limpide comme une vérité

Ma vérité

Et en écrivant ces mots comme on parle à l’oreille et au cerveau bienveillants d’un analyste

Je me rends compte que non

Je ne dois rien à l’usine pas plus qu’à l’analyse

Je le dois à l’amour

Je le dois à ma force

Je le dois à la vie

(A la ligne ed. folio p. 216-217 et préface «  Ce livre qui est à Krystel et lui doit tout … »

Nota : Joseph Ponthus est né en 1978 et mort le 23-2-2021

Répondre