« Comme les amours » Javier Marias

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Un de mes coups de coeur de l’été 2021.


Une heureuse découverte de l’écrivain espagnol Javier Marias


A quoi définit on un bon roman ? Une parfaite maîtrise du sujet, de sa construction, de son cheminement, du maintien de l’intérêt du lecteur tout au long des pages, une analyse approfondie des personnages . Et finalement l’intrigue qui peut être à la fois banale et imprévisible sert de support aux idées et réflexions que l’auteur souhaite renvoyer au lecteur.
Ici dans « Comme les amours« , il y a une progression lente vers une situation qu’on pense claire au départ et peu à peu le lecteur devient désarçonné , et tout devient flou et incertain. Finalement l’histoire s’efface devant les pensées qui s ‘affrontent, qu’importe le scénario, tout se tient. Quand le livre est terminé, il reste une petite musique, le roman est troublant
Commençons par planter le décor. Maria (même les prénoms ne sont pas le fait du hasard) est une jeune éditrice, célibataire, qui tous les matins, au petit café où elle prend son petit déjeuner se surprend à observer un couple qui lui semble être le parfait exemple du couple complice , aimant et radieux. Elle st fascinée par ce spectacle et cela suffit à la mettre en joie au début de sa journée et elle attend avec impatience chaque matin pour perpétuer ce court instant. Or un matin le couple est absent. Elle apprend incidemment que l’Homme prénommé Miguel a été sauvagement assassiné par un SDF, sans mobile apparent.
Déstabilisée, elle continue à aller au café jusqu’au jour où sa veuve Luisa éplorée revient au café et Maria décide d’entrer en contact avec elle et reçoit ses confidences. Elle apprend même qu’elle n’était pas passée inaperçue aux yeux du couple qui la surnommait « La Jeune Prudente ». Au domicile de Luisa elle croise Javier, (là encore un prénom pas choisi par hasard) qui était le meilleur ami de Miguel et qui semble avoir endossé le rôle de protecteur de Luisa et de ses enfants, le temps que la jeune veuve puisse retrouver un cours normal de sa vie.
Maria à la faveur d’une rencontre inopinée dans un Musée, recroise à nouveau Javier et commence une relation intime avec lui mais qui ne ressemble en rien à celle du couple Luisa-Miguel. Javier est souvent absent dans tous les sens du terme , il ne laisse aucun espoir à Maria qui a vite compris que son cœur est occupé par celui de Luisa et qu’il attend son heure pour enfin avoir une chance de l’épouser quand elle aura fini son travail de deuil.
L’histoire est à la fois intéressante et banale, bascule dans l’énigme policière mais qu’importe, elle n’est là que prétexte à échanges brillants, de réflexions sur l’amour, la mort, la morale et la trahison. C’est comme si l’auteur nous racontait une histoire tout en ponctuant son discours de réflexions de manière à entamer un dialogue entre lui et le lecteur ramenant l’histoire au 2 eme plan , présente comme support pour faire vivre l’échange. Au fur et à mesure qu’on avance dans le récit, les faits deviennent de plus en plus troubles, on n’est sûr de rien, on pénètre l’intime de la narratrice Maria.
L’auteur invoque la tragédie du Colonel Chabert , revenu entre les morts et qui n’était plus attendu par les vivants. Ici la mort de Miguel était-elle si imprévisible ? Il recourt aussi aux « Trois Mousquetaires » de Dumas et à Macbeth de Shakespeare avec la fameuse tirade du « hereafter » : « He should have died hereafter » ou « il aurait dû mourir plus tard », manière d’aborder des sujets universels.
On ne saura jamais définitivement ce qui s’est passé pour Miguel, le lecteur est libre de se faire sa propre opinion. Mais l’essentiel se situe ailleurs, dans les questionnements autour de l’amour, la trahison, la morale.
J’ai passé un très bon moment de lecture.

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