« Les yeux fardés » Luis Llac

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Les Yeux Fardés   de Llach Lluís  Format Poche

           Cette histoire d’amour dans la grande Histoire a été généralement fort appréciée, et presque tout le monde a pris beaucoup de plaisir dans ce livre passionnant, émouvant, difficile à lâcher, aux descriptions foisonnantes  freinant probablement la discussion ! Toutes les narrations sont très précises, sensuelles, visuelles, et ajoutées à la romance, ce documentaire devient plus supportable, vivant et captivant et tout s’enchaîne. Une réussite pour un premier roman qui a reçu le prix méditerranéen. L’auteur est aussi poète et compositeur de la célèbre chanson « L’estaca » rédigée en 1968, chanson catalane symbolique de la lutte pour la liberté. Un hommage à la liberté, à tous ces résistants qui ont tellement soufferts !

            Deux adolescents amis, de 1933 à 1939, dans le quartier de la Barceloneta à Barcelone, ils ont 13 ans en 1933, vont vivre une histoire d’amour vraie, puissante et extrêmement profonde sur une période historique peu glorieuse, l’horreur de la  guerre d’Espagne. L’auteur fait un parallèle entre la montée de l’amour grandissant entre Germinal et David, magnifiquement, délicatement observé, brossé, ciselé et la montée en horreur de la guerre, remarquablement décrite. Tout est crescendo dans l’amour comme dans l’horreur et ici l’atrocité n’abîme pas l’amour, un hymne à l’amour ! La sexualité est peinte avec beaucoup de pudeur magnifiant les sentiments.

          L’auteur a su glorifier cette période de l’adolescence, leurs familles, leurs lieux de vie. L’enfance de ces jeunes à la sexualité naissante et envahissante, aux nombreuses idées libertaires, aux retrouvailles fréquentes pleines de jeux, vivent dans des familles aimantes où la solidarité, l’entraide, la bonté et la liberté sont présentes et défendues. Il a su toucher le lecteur en décrivant cette vie de quartier tout en faisant l’éloge de la culture avec l’école de la mer, l’influence de la librairie, en développant l’importance de l’éducation, celle de la pêche et de la couture avec une belle ode aux femmes, principalement la mère de Germinal, sans oublier les tempêtes sociales, l’engagement et la résistance de ce quartier et surtout celle de son père. Une fresque sociale où la vision du monde ouvrier est intéressante et bien analysée.

          L’écrivain, d’une grande sensibilité, décrit de façon magistrale et bien ciselée, sans complaisance, avec beaucoup de réalisme, les sentiments ressentis par Germinal dans des situations très différentes, que ce soit au début de l’adolescence, les quatre amis ensembles, que ce soit dans des circonstances terribles et de plus en plus douloureuses et horribles, l’adolescence, l’engagement dans la guerre, la fuite en France, ses retrouvailles avec David devenu une loque autiste, l’assassinat du sergent, dictateur humiliant et prédateur.

          La narration du dernier chapitre, son côté trash, a parfois dérangé ou au contraire été jugé sublime : la vie de Germinal, débauché, actes sexuels sans amour, parcourant le monde, son retour à Barcelone, les rencontres débridées, les bas-fonds, l’homosexualité, l’assassinat, sa libération grâce au meurtre. Cet aspect violent, presque insoutenable, fait pendant à la délicatesse de la relation David/Germinal et il représente l’exutoire final, Germinal venge David. Ce sergent probablement un homosexuel qui s’ignore ou refoulé ! Cette fin qui semble vulgaire est en opposition à la noblesse des sentiments entre les deux protagonistes.

          Un parallèle est fait entre deux livres déjà lus et commentés : « Anima » et « My absolute darling » où la violence est au maximum dans ces deux fictions alors qu’ici la violence qui est aussi au maximum l’est en réalité : la guerre d’Espagne, un documentaire romancé ou un roman sur fond de documentaire !

          Sur le plan historique, beaucoup de passages fort intéressants sont décrits avec de nombreux détails, notamment la célèbre bataille de l’Ebre, la fuite de la Catalogne. Rien ne va résister à cette période où Franco sera vainqueur entraînant ou la fuite ou la destruction des Catalans, des quatre enfants et de leur leur amitié : leurs jeux vont s’effilocher, une part en Argentine, l’autre est tuée par une bombe, David détruit par la guerre et par ce que le sergent l’oblige à faire, Germinal perd son grand amour et ne pourra renaître qu’après l’assassinat du sergent.

          La symbolique du démaquillage avec le titre « Les yeux fardés », Germinal se démaquille en transmettant son histoire au réalisateur, évènements racontés avec un style clair et concis sous forme de chapitres cinématographiques. Une allusion à Fellini qui a su très bien peindre les quartiers, les amitiés.

          Ce roman a suscité des liens avec Orwell, Freedom, Jean Ferrat avec « Deux enfants au soleil », « Le silence des autres » de Robert Bahar, film « Josep » qui retrace la vie de l’homme politique Josep Bartoli lors de la guerre civile espagnole.

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