« Le printemps des monstres » Philippe Jaenada

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Au printemps des monstres

Un auteur qui se passionne pour les crimes qui ont fait la Une des journaux à leur époque, les procès célèbres.

Ici il s’agit de l’affaire du petit Luc Taron dans les années 60 plus connu par celui qui a été accusé Lucien Léger sous le nom de l’étrangleur et qui a été le ou un des  prisonniers le plus ancien , libéré après 41 ans de rétention en 2006 et mort 2 ans après. Luc Taron est un petit garçon de 11 ans retrouvé mort dans le bois de Verrières. Il a fugué pour une raison inconnue (c’est selon les parents sa 3ème fugue) et ces derniers ne se précipitent pas pour le chercher. Aucune trace de violence, aucun mobile. Cette affaire avait défrayé la chronique car la police au départ n’avait aucun indice (nous sommes en 64, pas d’analyse d’empreintes, pas d’ADN, peu de moyens, et un homme se faisant appeler l’Etrangleur » en narguant la presse, et les policiers lancés à sa recherche. Il écrit aux parents via la presse, signe XX puis XXX puis ajoute l’étrangleur et s’accuse du crime. Il donne des détails qui montrent qu’il connait l’affaire mais l’enquête est si mal menée qu’on ne sait plus si les détails donnés par l’étrangleur sont déjà connus ou pas. Il se fait finalement arrêter et à partir de là plus rien ne va pour lui :

Une sombre histoire jamais vraiment élucidée, tous les protagonistes sont morts.

Philippe Jaenada s’est inspiré d’un livre paru une dizaine d’années avant, par 2 auteurs qui ont eu l’occasion de rencontrer Lucien à sa sortie de prison.

Son roman comporte 3 parties

  • L’une le Fou, la 2 ème les monstres, la 3ème Solange

Le fou c’est Lucien Léger car la question était : s’il était vraiment fou, pour certains oui, d’autres non

Mythomane non car le mythomane croit à ses propres mensonges, menteur oui assurément Le chef d’accusation est impitoyable et conduit Lucien léger à l’échafaud. L’avocat chargé de l’affaire Maurice Garçon est une vedette du barreau. Mais il ne s’intéresse que de très loin à l’affaire, il s ‘épuise devant l’inconstance de l’accusé qui prétend être l’auteur du crime alors qu’une enquête un peu poussée démontrerait que c’est impossible . Il a rendu tout le monde fou avec cette histoire, il semble que tous soient convaincus qu’il n’est pas l’auteur du crime mais ils en ont tellement marre de tout ce cirque qu’ils bouclent l’affaire qu’on n’en parle plus. Garon est remplacé par son fils puis par Albert Naud lui aussi vedette du barreau mais célèbre pour son combat contre la peine de mort aux côtés de Badinter. Et là-dessus il réussit à éviter la peine de mort à Lucien léger qui réalise alors qu’l a joué trop longtemps avec le feu et qui va longtemps se consumer en prison. Personnalité étonnante, son enfance sa jeunesse sont passés au crible. Comme il sait qu’il n’est pas coupable, il se dit qu’une Justice bien faite doit le savoir donc il est confiant. Et dès que le verdict est rendu il déclare : mais je ne suis pas le coupable, trop tard. Pas de révision de procès. Il passera sa vie en prison.

2ème partie une des plus intéressantes : les monstres : qui sont-ils ? Le père de l’enfant, hypocrite, faux jeton, personnalité trouble et un certain Jacques Salce, double, triple personnalité. En 64, nous ne sommes pas si loin de la 2ème guerre mondiale et la collaboration ainsi que 10 ans après la guerre d’Algérie ; passé sulfureux. Ce sont eux les monstres, ils sont forcément selon l’auteur impliqués dans le meurtre du petit Luc enfant non désiré, et de père inconnu. La mère absente, évanescente, on aurait aimé en savoir davantage

Quant à Solange la femme de Lucien léger là aussi quel couple, humeur changeante a passé la moitié de sa vie en hôpital psychiatrique, ils ont logé dans un hôtel meublé toute leur vie Lucien a 27 ans quand il est arrêté et il s’est marié à 23 ans.

Roman foisonnant, passionnant par les faits tels que décrits, l ‘auteur a repassé tous les faits en revue, tous les éléments troublants qui auraient dû interpeller le Procureur, les a analysés à la lumière de ce qu’on sait en 2021. Mais combien d’erreurs judiciaires et cette histoire a résonné avec une affaire en cours en Suisse (mon neveu avocat convaincu de l’innocence d’une jeune femme accusé d’un meurtre d’une enfant de 2 ans et n’a rien pu faire contre la perpétuité), enquête bâclée selon lui.

Ce qui m’a plu c’est la manière dont l’auteur s’adresse à son lecteur, comment il lui fait partager ses doutes, ses émotions il mêle des éléments de sa vie privée, ses souffrances, ses maux corporels, cela rend le roman plus léger (sans jeu de mots) plus respirable dans une affaire somme toute oppressante. Beaucoup de mystères, atmosphère à la Modiano (le père de Modiano croise certains personnages). Bref un vrai coup de cœur sur le fond et la forme même si 700 pages c’est long et forcément avec quelques redites.

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