Les vies banales inspirent rarement les écrivains. Mais ici Claudie Gallay pousse un peu le bouchon quoique ne dit on : La réalité dépasse la fiction. L’action se passe dans un petit village de montagne de la Vanoise, non loin de la frontière italienne, écartelé entre tradition et modernité. Trois personnages principaux appartenant à une même famille et tout autour gravitent de singuliers personnages secondaires. Quelle crédibilité accorder à cette fratrie à la fois disloquée et très solidaire mais dont le père toujours en vadrouille et énigmatique signale son arrivée prochaine par l’envoi d’une petite boule à neige à chacun des trois enfants. Sauf que l’on ne sait jamais si c’est dans quelques jours, quelques semaines ou encore plus longtemps. Alors les enfants se réunissent pour l’attendre. Et cette fois, cela fait 3 ans qu’il a disparu depuis l’enterrement de leur mère.
Il y a Philippe garde forestier et plutôt taiseux, concentré sur le projet de la reconstitution du passage d’Hannibal, Gaby la jeune sœur, en galère, habitant un mobile home insalubre en attente de son Jules régulièrement en taule et élevant une enfant dont on ignore l’origine, puis Carole, la narratrice qui a quitté le village il y a longtemps pour vivre à la ville et revenue pour la circonstance rejoindre son frère et sa soeur. Elle tient le journal durant son séjour de décembre à janvier tout en s’occupant à traduire un livre sur la vie de l’artiste Christo.
Les jours s’écoulent, toujours pas de trace du père. Un roman sur l’attente et les liens fraternels qui se reconstituent.
Au-delà de quelques incohérences du récit, l’intérêt du roman réside dans les rapports familiaux, les non dits, les secrets de famille, les drames enfouis, la manière dont chacun s’empare et s’approprie sa perception du passé et s’en accommode pour construire sa vie au quotidien.
Le style de l’auteur est sobre, les « Je » de la narratrice abondent.
« J’ai répondu que j’étais là pour quelques jours.
J’ai rapporté mes achats au gîte.
Il faisait beau.
J’ai pris le livre. Il était lourd.
Je voulais lire dehors.
J’ai pensé en arracher les pages….. »
Les phrases sont courtes, expriment les mille petits faits du quotidien, le froid, la neige, parfois de manière répétitive qui [u1] traduit bien l’attente. La narratrice par ce retour au pays cherche à retrouver une place au sein de la fratrie et dans les relations avec les anciens du village.
« Et toi, que voudrais tu être si tu devais être une bête ? _ Moi ? une salamandre, elles n’ont pas de prédateurs et sont fidèles à leur habitat. Elle fronça les sourcils. –Il est bon d’avoir des prédateurs, ça renforce l’espèce. –Mais la vie est plus douce si on n’en a pas. –Plus douce, oui, mais plus courte. Les salamandres n’ont peur de rien, elles ne sont donc jamais pressées elles traversent les routes et se font écraser.. J’ai concédé la chose avec un sourire »
« Diego s’activait. Son paradis c’étaient les fours, le jus qui crépite et la viande qui éclate. Il le disait : Avant d’ être du goût, la nourriture c’est de la musique !, Il parlait du frémissement des sauces, des viandes qui chantent, du murmure des œufs. Tout le monde riait, on le traitait de poète. »
Une belle histoire de vie malgré la lenteur et les bémols que j’ai pu exprimer.
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