« Epépé » Ferenc Karinthy

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Se méfier toujours des bandes annonces. Epépé est considéré comme un livre-culte.

Peut-on bâtir un chef d’œuvre d’écriture uniquement sur une idée originale ? Dès le début le lecteur est tenu en haleine par un scénario burlesque. Un homme linguiste qui parle plusieurs langues et maîtrise toutes les subtilités de déchiffrage de langues anciennes, c’est important à souligner, est attendu à un congrès à Helsinki où il doit intervenir en tant qu’expert. Il s’endort dans l’avion, à son réveil il monte dans un bus qui l’emmène dans une ville qu’il ne reconnait pas et dont il ne comprend pas la langue ni les signes. Il n’a pas de montre, donc il n’a aucune idée du temps qui s’est écoulé, il est perdu dans l’espace car il ignore dans quel pays il a atterri.

Très bon démarrage, on imagine tous les stratagèmes que Budaï, c’est son nom, devra mettre en œuvre pour se sortir de ce mauvais pas et pour se repérer. Il descend dans un hôtel, une chambre lui est attribuée en échange de son passeport, seul le numéro de sa chambre 921 est le lien qui le relie au personnel. Il n’a désormais que quelques effets de première nécessité, ses affaires de toilette et quelques billets qui devaient lui servir à couvrir ses Frais en Finlande. Il arrive à les changer par des billets inconnus dont il ne connait pas la valeur. Le cauchemar commence. Personne ne s’intéresse à lui. Il a beau faire des gestes, des efforts de toutes sortes, rien n’y fait. Soit le regard se détourne, soit on lui balance des onomatopées qui restent un mystère pour luI. Il passe par tous les stades : état de sidération, colère, révolte, découragement.

C’est ou plutôt c’était un homme rationnel, à la pensée claire. Toutes ces qualités ne lui servent à rien . L’univers lui est à la fois familier mais aussi étrange. Il côtoie des foules de gens qui se pressent, , des files d’attente interminables partout, il ne  repère rien de connu qui lui permette de sortir de cet enfer.

Les visages sont à la fois tous distincts mais la ville est grise, les jours s’écoulent sans qu’une lueur d’espoir ne se fasse jour, il erre dans la ville, cherchant un compatriote, quelqu’un qui puisse le comprendre, il surveille l’avancement d’un building en construction. Tous les jours il explore une partie de cette ville tentaculaire, en solitaire au milieu d’une foule parfois joyeuse, festive mais qui l’ignore.

Seul exemple d’humanité, une jolie liftière blonde de l’hôtel qui fume au dernier étage et lui sourit. Malgré de nouvelles tentatives, aucune communication possible.  Budaï s’accroche à elle comme à une bouée de sauvetage.

Budaï pense à sa vie d’avant, sa femme qui l’attend, se raccroche à l’espoir qu’on le recherche. Il provoque un agent public, se fait mettre en prison d’où il sort moyennant une caution, constate jour après jour que son maigre pécule diminue, bientôt il se fait expulser de l’hôtel, il se retrouve à la rue comme un clochard, se loue comme portefaix pour ne pas mourir de faim, il participe même à une émeute dont le sens lui échappe.

Au fil des pages, l’atmosphère devient en plus pesante, on ne voit aucune issue, et on a l’impression que l’auteur se perd aussi à inventer la suite, une sortie possible.  Une lecture qui devient malheureusement de plus en plus pénible.

Métaphore des univers concentrationnaires. Et quand on sait que l’auteur est hongrois, on n’a guère de peine à imaginer son message. C’était très bien parti, l’atterrissage qui laisse malgré tout voir une lueur d’espoir, est plus difficile.

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