Tous les présents (10) du cercle se sont dits intéressés par ce roman et leur lecture respective a donné lieu à des échanges non moins plaisants. Le cadre dans lequel se déroule la vie de l’héroïne, Mileva Märic, est dépeint comme un monde hiérarchisé : l’empire austro-hongrois où l’Allemagne et sa langue dominent. Mileva est serbe mais son père s’est appliqué à l’inscrire dans un lycée réservé aux garçons où l’enseignement se fait en allemand.
De petite taille, boiteuse, timide, elle est animée d’une ambition scientifique exceptionnelle, la seule femme inscrite au prestigieux Institut polytechnique de Zurich, accueillie par un professeur arrogant qui ne s’adresse jamais à elle par son nom alors qu’il s’adresse aux garçons d’une manière solennelle par « messieurs ». Elle s’épanouit dans une pension de famille où elle rencontre des jeunes filles qui, comme elle, sont animées par un appétit d’études scientifiques ou philosophiques, refusant le statut de la femme rivée à la vie familiale et domestique. Se méfiant d’Einstein, au début de leur rencontre, puis attirée par son intelligence, son comportement bohême, son goût pour la musique, elle se donne à lui et partage science et amour. Une grossesse involontaire qui donne naissance à une petite fille, qu’Einstein refusera de reconnaître, va rompre l’harmonie de ce couple.
La discussion a longtemps porté sur la controverse autour de la participation de Mileva dans leur découverte de la théorie de la relativité. Selon les historiens des sciences, les archives (AEA Jerusalem) et les lettres échangées entre Einstein (43) et Mileva (10) témoignent que tous les deux travaillaient en commun. Mileva, plus mathématicienne que physicienne, serait l’auteure de la relativité restreinte bien que celle-ci soit publiée sous le seul nom d’Albert Einstein, décision vraisemblablement prise en commun afin qu’il puisse trouver un emploi et l’épouser.
Tous les articles publiés ultérieurement comporteront son seul nom et le prix Nobel lui sera attribué. Mais elle exigea de stipuler dans le contrat de divorce qu’elle seule obtiendrait l’argent de ce prix pour élever ses enfants.
Selon Pauline Gagnon (physicienne au Cern) Milena aurait écrit à son amie Hélène « Avec toute cette gloire, il y a peu de temps pour sa famille (…) que peut-on faire avec la notoriété ? Une personne reçoit la perle, l’autre la coquille ». Paroles qui pourraient figurer parmi les citations de Françoise Giroud à propos de Marx, de Gustav Malher qui entravait la brillante compositrice de lieder qu’était sa femme Alma.
Une autre question a été discutée : l’écriture du roman à la première personne, adoptée par l’auteur, une écrivaine et avocate américaine, qui donne une forme de plaidoyer pour sortir Mileva de l’ombre de son génie de son mari.
L’emploi du « je » pourrait tout autant être une manière d’inscrire une histoire de vie dans une époque.
Pour celles et ceux curieux de connaître comment on devient « un grand homme » qui marque l’histoire des sciences, de la musique, de la peinture etc.. en subordonnant leur entourage de vie à leur ambition et leur passion, voir :
Laurent Seksik, le cas Edouard Einstein, J’ai lu, 2013
Etienne Klein, Le pays qu’habitait Albert Einstein, Babel Essai, 2016
A l’inverse du visage présenté dans Madame Einstein et dans Le cas Edouard Einstein celui montré dans la communauté scientifique à l’égard de Marie Curie en 1927 alors qu’elle venait d’obtenir son deuxième prix Nobel, et que le comité de nomination chercha à la décourager de se rendre à Stockholm afin d’éviter un scandale (provoqué par sa liaison amoureuse avec Paul Langevin), Einstein l’assista à s’y rendre ce qu’elle fit.
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