« On était des loups » Sandrine Collette

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On était des loups - 1

Heureuse découverte de cet auteur chaudement recommandé par Lysiane

Un roman introspectif ; un trio un homme sa femme et leur fils

« En ce temps-là on était des loups et les loups étaient des hommes, ça ne faisait pas de différence on était le monde. C’est pour ça que je vis : toucher du doigt, du bord du cœur le territoire sauvage qui survit en moi et quand les loups hurlent dans la montagne, je sais que je ne suis pas seul. »

 « Je n’aime pas qu’on dise que le loup hurle parce que ce n’est pas ça hurler, quand un clébard s’énerve là je veux bien. Le loup lui il chante c’est très différent, ce n’est pas gueuler pour gueuler, il y met du cœur et des intonations surtout quand ils sont plusieurs ça me donne des frissons et je n’ai qu’une envie c’est faire partie de la meute, ça vient de loin de moi. »

Liam n’aime que les coins sauvages, isolés, au bout de nulle part. Le lieu n’est jamais nommé. On sait seulement que cet homme vit de ventes de peaux d’animaux qu’il traque dans la montagne. C’est un taiseux. Il a rencontré sa compagne Ava, rompant avec sa solitude et il lui a imposé son mode de vie retiré.  C’est un vrai mariage d’amour partagé. Leur univers : une maison isolée, les voisins sont à quelques km et ils sont reliés à la civilisation par un petit avion bi place de leur premier voisin.  

« Parfois on ne parle pas on n’a pas besoin. Si on veut laisser les pensées vagabonder et si on veut rentrer à l’intérieur de nous il n’y a rien de mieux que le silence et là-dessus on est bons. On a peut-être les mêmes choses qui nous traversent la tête et on ne le sait pas ça n’a pas d’importance et on ne met pas de mots dessus parce que les mots il y a des moments où ça n’apporte rien. On est l’un à côté de l’autre et c’est ce qui compte ».

Aru nait, il n’est pas vraiment désiré par le père, mais il est là, sa femme s’en occupe, le protège.  Cet enfant grandit et bien que terrorisé par ce père, il se précipite vers lui dès qu’il l’entend revenir parfois au bout de quelques jours, avec ses chevaux. « Je n’ai pas les mots pour le dire je le perçois dans ma poitrine et c’est gigantesque et le petit court vers moi il ne court pas vite il est petit. C’est là que c’est bizarre chaque fois ça me me fait quelque chose dans le ventre et c’est de l’émotion que je n’arrive pas à retenir, de l’émotion de voir qu’il n’attend que moi et sur son visage le bonheur qu’il y a je ne peux pas l’expliquer c’est immense – mais c’est aussi une sorte de pitié effrayante quand je le regarde cavaler pour me rejoindre, il est tellement petit tellement faible ça me fait peur ça me fait de la tristesse à me broyer, je me dis qu’il sera tout le temps petit et fragile et pourtant je le sais que ce n’est vrai seulement je voudrais le protéger pour toujours. »

Un jour, en rentrant ile père pressent le drame. Il trouve sa femme allongée, inerte, attaquée par un ours et protégeant le corps de son fils, tremblant.

L’enfant est trop jeune pour le suivre dans la montagne, ce milieu hostile et le père ne sait que faire avec lui, il ne veut ni ne peut s’occuper de cet enfant qui va sur ses 6 ans. « Je ne suis pas capable de parler à un enfant j’ignore comme on fait, j’ai beau chercher ce que j’aurais aimé qu’on me dise à son âge le jour où la même chose m’est arrivée, je n’ai pas de réponse ». Il décide de descendre dans la vallée et de le confier à un oncle. Celui-ci le repousse dehors, tous deux montent sur leurs chevaux et repartent. Commence alors un véritable voyage entrecoupé de quelques échanges entre de profonds silences. « La montagne est calme je ne veux pas dire silencieuse juste calme. Le silence c’est nous qui le faisons, on essaie de laisser de l’espace aux autres, les insectes les oiseaux les errants et les chasseurs qu’on n’entend pas. Quand les nuits sont belles elles sont bleues et les arbres font des silhouettes noires qui se découpent comme si c’était en surimpression « .L’enfant voudrait apprivoiser ce père qui ne sait s’occuper de lui, traversé par de sinistres pensées. « Aru ne dit rien de la matinée. Je suis de mauvaise humeur. Je le prends mal son silence, j’ai l’impression qu’il m’accuse de quelque chose. Quand on repart de la pause de midi et que je le monte sur le cheval je croise son regard et c’est plus fort que moi c’est la hargne de tout ce qui ne se passe pas comme je veux et je lui dis quoi tu voulais rester là-bas avec eux c’est ça. J’ai aboyé et il se raidit, je vois la peur dans ses yeux et puis le chagrin mais là je ne suis pas disposé. J’enfourche Dark et on se met en route on fait la gueule tous les deux, je préfère penser qu’il fait la gueule et pas qu’il chiale dans mon dos, je n’aime pas quand il pleure.
Même le soir on ne s’est pas pardonné on mange du bout des dents sans parler et le matin d’après pareil. Ça pourrait me faire rire que le gosse soit aussi buté que moi sauf que ça ne me fait pas rire, ça m’énerve et je me bloque dans mon silence.

Lente prise de conscience de son rôle de père, protecteur, un roman plein de pudeur, dans une langue poétique. Les épreuves les rapprocheront et Liam finira par penser que « ce petit a fait de lui un homme je veux dire avec de l’humanité et pas seulement une machine vivante »

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