Encore une histoire de violences conjugales. Racontée en 3 parties
D’abord la mère, jamais nommée, sinon par « Elle » retrace sa vie, elle n’a même pas 30 ans, déjà 3 grossesses lui ont alourdi le corps la rendant moins attirante et désirable, elle subit dès le début de son mariage des coups de son mari sans se plaindre, en silence. Ils habitent pourtant une belle ferme, elle a même son permis, elle s’apprête à aller déjeuner en famille chez ses parents, on est en 1967 et ce jour-là elle dira à sa mère : Plus jamais, plus jamais je ne retourne à la ferme. Et on n’entend plus parler d’elle dans ce récit.
« La corbeille à linge est presque pleine. Elle se tient dans l’allée du jardin et secoue la tête pour ne pas penser à ces six premiers mois de son mariage, de janvier à juin 1960, où elle habitait Soulages. Elle se souvient et ça cogne de tous les côtés. Elle a été enceinte tout de suite, Isabelle est née le 30 novembre 1960, onze mois jour pour jour après leur mariage. Les deux combinaisons, le chemisier, la jupe ; elle les dépose sur le dessus de la corbeille ; elle ne reconnait pas son corps que les trois enfants ont traversé ; elle ne sait pas ce qu’elle est devenue, elle est perdue dans les replis de son ventre couturé, haché par les cicatrices des trois césariennes. Ses bras, ses cuisses, ses mollets, et le reste. Saccagé ; son premier corps, le vrai, celui d’avant, est caché là-dedans, terré, tapi. Il dit, tu ressembles plus à rien. Il dit, tu pues, ça pue. Et il s’enfonce ».
« Elle ne reconnait pas son corps que les trois enfants ont traversé ; elle ne sait pas ce qu’elle est devenue, elle est perdue dans les replis de son ventre couturé, haché par les cicatrices des trois césariennes. Ses bras, ses cuisses, ses mollets, et le reste. Saccagé ; son premier corps, le vrai, celui d’avant, est caché là-dedans, terré, tapi. Il dit, tu ressembles plus à rien. Il dit, tu pues, ça pue. Et il s’enfonce. »
Le père prend la parole, il vit seul depuis que sa femme l’a quittée, pas un brin de remords, les coups ? mais une rumination permanente, Elle n’avait que ce qu’elle méritait , mollassonne, ce n’était pas une femme, une bonne épouse, incapable de diriger même son personnel, elle n’a eu que ce qu’elle méritait et a tout perdu, elle a quitté le domicile conjugal.
Et une 3ème partie très courte, la fille aînée vient de franchir pour la dernière fois la grille de la maison, nous sommes en 2021, RDV est pris chez le notaire, le père est mort , la maison est vendue, les souvenirs affleurent sans qu’on sache la teneur.
Le style de Marie Héléne Lafon est sobre, minimaliste les mots sont choisis , ce qui laisse libre cours à nos interprétations , Les Sources furent inspirantes pour nous toutes avec des avis tranchés : certaines d’entre nous rappelant la période,, le milieu rural, le qu’en dira t-on et le courage qu’il a fallu à cette mère de famille pour quitter le confort matériel, le statut social. D’autres soulignant le fait que c’était l’histoire triste de deux êtres qui n’étaient pas faits pour vivre ensemble et n’auraient jamais dû s’épouser. Ou encore déplorant que même en 2023 il ya tant encore de femmes résignées qui subissent humiliations et coups de leur compagnon. Et les enfants ? . L’auteure laisse entendre qu’ils sont apeurés, nous n’en savons pas davantage, la mère en parle avce une douceur particulière comme l’a souligné l’une d’entre nous, le père admire ses deux filles aînées mais déteste son petit dernier dans les jupes de sa mère, un futur bon à rien qui l’avenir le dira ne reprendra pas la ferme. Tandis que ses sœurs feront de brillantes études.
Ce court roman nous a laissé un peu sur notre faim et devant nos avis éloignés nous avons émis l’idée d’écrire une 4ème partie : qu’est devenue cette femme ?
Est-elle restée chez ses parents, aidant sa mère à l’élevage des poulets nouvelle activité ?
S’est –elle émancipée te grâce à ses parts dans la ferme qu’elle a pu obtenir, a-t-elle quitté le pays ?
S’est-elle épanouie avec ses enfants ?
Les plus pessimistes d’entre nous lui ont une imaginé une vie étriquée, passant d’un mari humiliant à une mère autoritaire lui faisant payer la honte de voir sa fille s’en retourner vivre chez les parents
Avis de Marie Claire « pour moi, en quittant son mari, la mère se replace sous la coupe de sa propre mère. Je n’imagine pas que le contexte rural de l’époque, comme son éducation, lui permette de s’émanciper. »
D’autres sont plus positives
« comme on ne parle plus d’elle après ce dimanche où elle annonce qu’elle ne remontera pas à la ferme, on pourrait aussi en déduire qu’elle a quitté toute sa famille.. L’auteure entretient le mystère. »
D’autres lui ont prévu une nouvelle vie, un rebond.
Avis de Marie Jo : Oui mais il y a sa victoire à Elle! décidant de ne plus retourner dans son foyer! pour une fois faisant part à sa mère des violences qu’elle subit.
Pour moi quitter le foyer avec les 3enfants c’est le début de sa renaissance, pas sous forme de revanche, car à aucun moment je n’ai vu un sentiment de nuisance de sa part. Par contre très tôt j’ai compris qu’un projet se tramait » prélever des petites sommes sur le budget qu’il lui donnait pour l’achat des nécessités du ménage et pour les enfants. Trouver une cachette pratiquement sans risque, non pas un lieu si sécure mais lui n’y met jamais les pieds! il fallait y penser.Qui l’eut cru?
Je pense que cette femme a franchi le cap le plus difficile dans ces années là demander le divorce, malgré ses 3 enfants. Elle ira encore plus loin dans son devenir. Quant à Gilles je pense qu’il travaillera probablement avec sa mère,Après son divorce elle débute sa reconstruction.
Je crois en la force féminine!!!
Nous avons aussi échangé sur le titre
« Elle préfère le mot source au mot racine »…Oui, le titre du livre est bien trouvé, il y a sans doute dans le mot « source » un espoir, un espoir de changement, de suivre une autre voie, on dit bien source de vie, alors que racine est plus rigide et statique.
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