« Le rocher blanc » Anna Hope

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Le Rocher Blanc

1er livre que je lis de cette écrivaine anglaise que j’avais repérée lors de la sortie du Bal des folles. Il semble que Victoria Mas son auteure aurait repris l’idée d’un précédent roman de Anna Hope sur ce même thème »  La salle de bal ».

« Le rocher blanc » aborde un tout autre sujet. Curieuse construction du roman en 4 récits assez déconcertante qui en complique la lecture,  comme autant de nouvelles reliées entre elles par une référence au rocher blanc.

« Il y a un rocher blanc là-bas, dans l’océan, où les indiens disent que le monde est né. » Ce rocher blanc, sorte de pierre votive émergeant de l’océan attire les autochtones de la tribu des Wixarikas, existe,  sur la côte Nord de l’Etat de Nayarit au Mexique, à la hauteur de San Blas .

« Personne n’y viendrait par hasard »,  selon l’auteur Anna Hope.

Nous sommes en 2020. Le personnage principal de ce 1er récit , appelée L’écrivaine qui est le double de l’auteure (nous l’apprenons dans la postface) se trouve dans un mini bus avec une dizaine de personnes : on pourrait les qualifier de bobos en mal de spiritualité, qui ont entrepris ce voyage pour se reconnecter à la Nature, prier pour que cesse la folie du Monde qui va mal. Elle est accompagnée de sa petite fille et de son mari dont on apprend très vite qu’il est déjà son ex. L’écrivaine a entrepris ce pèlerinage en présence d’un chaman pour rendre hommage au Rocher blanc qui lui a permis la naissance de sa fille.  Elle prépare son prochain roman, puise dans cette expédition une source d’inspiration et va imaginer 3 autres récits en lien avec le Rocher Blanc.

Le 2ème récit nous fait remonter à 1969. Un chanteur mondialement connu (Jim Morrison jamais nommé mais désigné sous le nom de chanteur qui a effectivement vécu un temps au Mexique) est en crise avec son groupe et se réfugie dans un hôtel près du Rocher blanc. Il est sous  l’emprise d’alcools, du mezcal, du peyot et autres drogues, il est devenu Tezcatlipoca et prêt à se faire immoler.

Le 3ème récit plus touchant nous transporte en 1907 à une époque où les Mexicains désignés sous le nom de rurales ont poursuivi les indiens yeome pour soit les exterminer, soit les employer en esclaves et poursuivre leur œuvre de colonisation par des méthodes barbares. Nous suivons le calvaire de deux sœurs Marie Luisa et sa jeune sœur jamais nommée qui donne le nom au récit « la fille ». Dans le bateau qui les emporte, la jeune fille repense aux  histoires des anciens autour du rocher blanc .

Et dernier récit qui nous emmène en 1775 où 3 navires ont  quitté l’Espagne, dirigés par des Lieutenants chargés d’établir la cartographie des côtes de San Francisco et au moment où ils abordèrent le coin du Rocher blanc l’un d’entre eux, est devenu fou. Le  lieu serait hanté selon l’imaginaire des hommes.

Ensuite par un decrescendo chronologique le roman conclut chacun de ces récits et revient au monde contemporain pour en dénoncer tous les dangers : la souffrance de la planète , le risque climatique, les conséquences de la colonisation,  la course effrénée à la conquête du monde et aux profits. Autre point commun entre ces 4 récits : la peur qui habite tous les hommes à toutes les périodes.  Un peu déprimant même si les souhaits de l’auteure sont louables.

 « Ces indiens, dit le soldat torocoyori ( traître), sont déportés. « Il détache les syllabes : dé-por-tés. « Ils vont travailler dans les plantations. Ils vont devenir utiles « .
«  L’indien entrave la route du progrès. Il est paresseux. Incapable. Il ne comprend rien au monde moderne. Il préfère souffrir de la faim que de se fatiguer avec l’agriculture. C’est pourquoi ses supérieurs doivent le forcer à y recourir » » .

«  Qu’est ce qui rassemble un Mexicain , un Colombien, une Sénégalaise , une Française, une Allemande, une Anglaise et deux Anglais , un Suédois , deux enfants et un chaman de soixante – dix ans sur une autoroute de l’Etat de Nayarit au Mexique en tout début d’après – midi à l’orée du printemps, au début de la troisième décennie du XXI ° siècle ? » « Le rocher blanc est là. Le rocher blanc. L’endroit où le monde est né.
Un bon endroit pour recommencer
 … Elle leur explique qu’elle y était déjà allée, qu’elle avait vu le rocher blanc dans l’océan, l’endroit que les Wixárikas appellent Tatéi Haramara, notre Mère Océan, l’origine de la vie. »

« Il s’étire, et là il voit les étoiles, le grand firmament au-dessus, et il n’est plus qu’embruns, des embruns tournoyant dans la poussière d’étoile, un homme qui était chanteur et qu’on appelait une star. Il se croyait alchimiste, il croyait pouvoir se changer en or, mais il n’a jamais été que boue. Un simple gosse qui se dandine sur les planches. »

« Son cœur bondit devant la scène qui s’offre à lui : le Rocher blanc, éclipsé par la magnificence de ces navires et tout leur chargement, ces navires qui sont prêts, les voiles déployées, et il ressent cet élan – oui, ils hisseront les voiles ce soir, cap à l’ouest dans la nuit »

« C’est l’Ouest. Longtemps il n’y a eu ici que de l’eau, de l’eau qui bouillonnait, claquait et ne parlait qu’à elle-même : parfois l’eau était un aigle, avec les cornes d’un cerf.
Parfois un gigantesque serpent à deux têtes.
Parfois une grande oreille, écoutant l’ancestrale obscurité saumâtre.
Et puis un jour, un rocher est apparu, cime blanche au-dessus des vagues : le premier objet solide du monde.
L’eau se mouvait contre lui : gifler, piquer, sucer, tirer.
En ce mouvement, cette friction, faisait de la vapeur, devenait nuage, tombait en pluie, donnait la vie.
C’est le lieu où pour la première fois, l’informe s’est épris de la forme.
Et donc, et donc, et ainsi alors, voilà comment le monde est né
 »

Ce roman est édité en français par la Maison d’édition « Le bruit du monde » fondée en 2021 et qui a pour objectif « de révéler une littérature traversée par les enjeux du monde moderne et source de plaisir, capable d’enrichir nos imaginaires et d’élargir nos horizons ».

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