Drôle de titre pour un roman qui parle davantage de violence que de paix.
Difficile de le classer dans les livres coups de cœur par son côté gore et pourtant un roman policier qui réunit tous les codes du bon thriller social politique : Il nous tient en haleine au fil des pages mais les scénes de torture sont difficilement supportables. Pas sûre que le Office de tourisme colombien y retrouve son compte et apprécie ce genre de littérature.
La Colombie pays merveilleux est systématiquement attachée au cartels de la drogue, les laboratoires de transformation de la coca en cocaïne, et ici dans les mines illégales. La situation politique y est confuse, dur de distinguer, les bons et les traîtres, entre les paramilitaires, les Farc, le pouvoir officiel corrompu, tout ce beau monde se côtoie, négocie en secret,
Ayant visité la Colombie à une époque où les FARC étaient loin d’avoir déposé les armes, la hantise de la famille et des amis était que nous soyons pris en otage. Rien de tout cela ne m’est arrivé et j’ai même défié les interdits en prenant des taxis dans la rue. J’ai traversé le pays dans toutes les zones autorisées, sans escorte particulière, avec prudence, certes quelques scénes m’ont troublée, les grandes limousines aux vitres fumées gardées par des hommes armés jusqu’aux dents… Beaucoup de lieux du roman m’étaient familiers excepté le Narino qui était inaccessible à l’époque, et j’avais peu de peine à me représenter les décors.
Caryl Ferey une fois de plus nous transporte dans un pays où les massacres sévissent, les cadavres sans têtes sont balancés du haut des avions transportant la drogue, les sicarios sévissent un peu partout.
Dans ce roman, tout tourne autour de trois personnages principaux : un procureur tout puissant, officiellement partisan de la paix et soutien du candidat à la Présidentielle, a placé Lautaro, son fils rescapé des Forces spéciales, en tant que chef de la police à Bogota. Lautaro est chargé de découvrir les auteurs des atrocités, des cadavres entièrement mutilés découverts dans des lieux insolites, avec tous le même mode opératoire : la question qui le taraude : qui est responsable de ces crimes atroces ? Les Farc, les paramilitaires, les narcos, les opposants au processus de paix ? En tout cas certainement une organisation bien huilée.
Un 3ème personnage entre en scène, c’est Angel, l’autre fils du procureur. Par idéal politique il a rejoint les FARC puis a été libéré après 120 j aux mains des paramilitaires dans d’atroces conditions. Il aspire à une vie rangée, on le sent dévasté, il ne veut plus renouer avec sa famille et s’est trouvé un emploi de libraire pour sa réinsertion.
Angel a eu une fille pendant sa période FARC, sa compagne ayant disparu, l’enfant a été confiée à la grand-mère pour être en sécurité. L’unique but d’Angel : retrouver sa fille. Il est prêt à aller dans les zones les plus dangereuses. Mais comment mener l’enquête dans ce pays insécure et alors qu’il est sous contrôle et en réinsertion. Près de Carthène il a trouvé un modeste emploi de libraire et cherche à se faire oublier sans cesser de penser à sa fille. Et voilà que lui aussi découvre un cadavre sans tête. Le soupçon s’installe, Ne dévoilons pas la suite.
Difficile de quitter la lecture, l’auteur sait relancer les intrigues qui se chevauchent.
Les personnages féminins ont aussi leur place.
Je reproche à l’auteur de s’être laissé entraîner dans les inévitables romances pour les 3 mâles du roman. Peut être pour en adoucir la cruauté présente en permanence.
« Les narcos rendaient accros des gosses entre six et huit ans, les faisaient dealer jusqu’à l’adolescence pour se payer leurs doses ; les plus débrouillards devenaient des tueurs occasionnels ou patentés. »
« Au sud de Candelaria, la carrera 10 coupait la ville en deux mondes que tout opposait. Bogotá en partie détruite en 1948 à la suite de l’assassinat de Gaitán, la bourgeoisie colombienne qui venait s’encanailler dans le quartier de Santa Inés avait quitté le centre-ville pour le nord, traçant une frontière invisible entre les riches et les pauvres, alimentée par soixante-dix ans de guerre civile »
« Il avait déjà vu cette coupe dite du « vase à fleurs », quand on vidait les entrailles de la victime pour y introduire ses membres amputés et la rendre difforme. »
« Leurs histoires de nouvelle Colombie radieuse, avec ses parcs nationaux, ses colibris et ses jaguars, ses eaux transparentes et ses déserts, ses vertes forêts et ses zones caféières fertiles où jeter un bâton suffisait à voir pousser un arbre, tout ça ne tenait pas ; car ils grouillaient toujours, les petits vers humains, dans ses entrailles furieuses où mijotaient sa colère et l’acide de son amour volé »
Et pour finir, surtout ne pas penser que tous les Colombiens sont violents ? la plupart subit et se désespère de pouvoir enfin vivre dans la paix.
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