« L’origine des larmes » Jean paul Dubois

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Si vous êtes sujet à idées noires, passez votre chemin car le livre est noir, sombre et sans espoir.

Mais l’auteur sait être aussi adopter un ton décalé, inventer des histoires invraisemblables  et on peut le lire comme un livre inclassable.

Le héros du roman s’appelle Paul (tiens donc) et fréquente le cabinet d’un psy qui lui a été imposé par la Justice.

Car Paul est venu au Canada chercher le cadavre de son père et pour  être sûr de sa mort, lui a porté 2  coups de révolver dans le crâne.  Certes, il était déjà mort mais tirer même sur un cadavre est passible de prison. Paul s’en tire par des séances de thérapie pendant un an. Il ne se sent pourtant pas malade et encore moins coupable. Pour quel motif a-t-il tiré sur son père ?

Au cours des séances, on apprend qu’il ne s’agit pas de n’importe quel père : un monstre de cynisme, d’indifférence conjugués, et dans la vie, un affreux affairiste véreux. Il aura tout fait. Alors que la mère de Paul accouche, ce père est à Naples pour négocier des produits interdits, La mère de Paul décède ainsi que son frère jumeau.  C’est beaucoup pour démarrer dans la vie, de sa mère, de son jumeau, Paul  ne saura rien, car son père a décidé de tout détruire, de brûler toutes traces d’eux. Il refait sa vie avec une suédoise avec qui il ne se comporte pas mieux mais rayon lumineux dans la vie de Paul, cette femme est aimante et sert de confidente à l’enfant.

Paul se dévoile comme un être solitaire qui n’aime que son chien et éprouve de l’amour uniquement pour sa belle-mère. Mais quand cette dernière qui a monté une affaire de housses mortuaires (ç a ne s’invente pas ) encore une idée loufoque de l’auteur ) décède, Tout naturellement Paul reprend l’entreprise et cesse toutes relations avec son père jusqu’au jour de l’annonce de  sa mort. Il a voué une haine pour son père qui « d’autant qu’il s’en souvient, a toujours été un être désaxé, dangereux, pervers, irrigué en permanence d’un flux malveillant » ce père qui lui fait croire qu’il est le petit-fils du secrétaire général de l’ONU. Un soir que son père lui ordonne de jeter tous ses jouets, sa belle mère le console en lui disant de les photographier « comme ça tu les emporteras  toujours avec toi »

Il est question de beaucoup d’eau dans ce roman : les larmes, celles de l’anomalie du Docteur Guzman dont le canal lacrymal est bouché, mais aussi la pluie qui ne cesse de tomber : nous sommes en 2031 : les gouttes d’eau du peintre coréen, symbole de sa souffrance.

Alors que penser de ce roman qui transpire la construction à coups d’idées les plus farfelues telles que Dubois nous a habitué ?

Un film noir, mélancolique mais aussi avec toujours cette pointe d’humour, de l’humour des désespérés

« Dans ce film, « l’homme qui peint des gouttes d’eau », je découvrais tout ce que je n’avais pas connu, la sérénité d’une famille, l’harmonie d’un couple, la présence rassurante d’un frère et l’offrande d’un perpétuel exercice d’admiration, d’amour et d’apprentissage ».

« Aujourd’hui encore, après toutes ces années, après avoir fait ce que je devais, je n’ai toujours pas compris comment cet homme avait pu inventer un mensonge aussi inutile que douloureux, torturer patiemment aussi longtemps un enfant, jouer avec sa crédulité, son besoin d’amour. Le jour il trafiquait son acier dévoyé, ses médecines déclassées, et le soir, en rentrant, pour se délasser, il arrachait mes ailes minuscules de petite mouche »

« J’aime comparer les hommes à des animaux. Guzman me fait penser à un suricate, ce petit animal du désert, surnommé « le guetteur des sables » que l’encyclopédie décrit comme « toujours juché sur ses pattes arrière pour surveiller le mal qui rôde ». Cette description correspond bien à Guzman, qui n’a rien de commun avec ces thérapeutes blasés ou indolents, revenus de tous les troubles mondains. ».

« Je me lève et ouvre les fenêtres en grand, des fenêtres d’autrefois, à huit carreaux, qui ferment mal. La pluie est abondante et généreuse. Elle nous lave de tout et nous ne le savons pas. La pluie est ce qui nous manquera le plus lorsque nous serons morts. En plus, nos housses sont étanches. »

« Je trouvai mon père attablé à la cuisine en train de s’adonner à son sport favori de l’époque : dévorer comme un goinfre des poignées d’hosties Tradizionale, commandées à Modène, en Italie, par sachets de cinq cents pièces….Quand il ingurgitait ces pétales de pain azyme, mastiquant avec avidité comme il le disait le « corps du Christ » – Rebecca le traitait alors de « vieux perroquet blasphémateur » – […]
À table, ce soir-là, Lanski me tendit son sachet d’hosties en me disant : « Goûte, ce sont les chips du diable. » Je glissai une rondelle dans ma bouche, je la sentis s’amollir sur ma langue et se coller contre mon palais. J’en pris une autre, et une autre encore, je trouvai ça bon…..
Si mon père avait été un animal, il n’aurait pu être qu’une murène, ce répugnant poisson anguilliforme, sans écailles, le corps recouvert d’un écœurant mucus, guettant sa proie tapie dans sa crevasse. La gueule immense de ce poisson, piquée d’une denture effarante, n’est comparable qu’à celle de mon père déchiquetant ses hosties. L’histoire dit que la bête tient son nom de Licinius Murena, un riche Romain qui en avait rempli tout un vivier dans lequel il aimait à jeter ses esclaves récalcitrants »

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