Publié en 2020 en Turquie et 2021 en France. Prix Femina étranger 2021 et prix Transfuge du meilleur roman européen.
Certains ont abordé ce roman en connaissant l’auteur, d’autres non, mais tous l’ont bien apprécié. Il a pu être décrit comme roman d’éducation, mais on a souligné sa description de la montée progressive de la violence politique et le rôle de la littérature dans la vie des personnages et dans celle de l’auteur.
Beaucoup ont souligné comment le livre s’ouvre lentement, comme Fazil, éjecté de son univers familier par la ruine de son père, découvre progressivement la vraie vie.
Il la découvre par le foyer où il loge, véritable refuge de tout un ensemble de personnes à ce moment-là. Il découvre la société du spectacle dans un studio de télévision et y rencontre le personnage central, Madame Hayat, femme d’âge mûr, libre, indépendante, généreuse et aussi absolument mystérieuse. Tous se sont demandé ce qu’on aurait pu savoir de sa vie avant et pendant le roman. On a imaginé un drame passé ou au contraire une vie ordinaire, mais l’hypothèse principale est qu’elle est une femme entretenue et que son protecteur est puissant. Fazil découvre l’amour mais aussi que la connaissance n’est pas que livresque, elle peut venir de choses très ordinaires, de documentaires à la télévision, elle peut venir de la vie elle-même.
Fazil rencontre aussi Sila, qui est comme son double féminin, de famille aisée, mais ruinée, passionnée de littérature, mais d’un caractère très différent.
Fazil a été souvent perçu comme naïf, mal dégrossi et un peu passif tandis que Sila serait autoritaire, un peu rigide et déterminée à obtenir ce qu’elle veut. Les deux n’ont pas toujours attiré une franche sympathie, ils ont parfois été jugés irritants.
La façon dont l’auteur fait monter lentement le sentiment de la violence a été particulièrement appréciée. Les hommes aux bâtons devenant de plus en plus présents. L’ex chauffeur de la famille de Sila, sans doute un indic, la menaçant sous couvert de la servir. Le suicide du poète.
L’université, lieu de savoir et de réflexion est atteint lui aussi, les professeurs qui défendent leurs étudiants se trouvent à leur tour en danger. On étouffe de plus en plus, jusqu’à la dispersion ou disparition des personnes du foyer, du départ de Mme Hayat et de Sila.
La question a été de savoir pourquoi Fazil ne part-il pas avec Sila. Il reste passif ou il s’engage dans la résistance ? Est-ce qu’il attend Mme Hayat, la lumière (nour) de sa vie.
La littérature pose une question : trouve-t-on la liberté en contournant les règles (L’éducation sentimentale de Flaubert) ou dans la transgression (Daisy Miller de Henry James).
On s’est interrogé sur la nature du roman, est-ce un livre réaliste ou une histoire métaphorique. Un jeune homme à la croisée des chemins dans un pays glissant vers un autoritarisme anti-intellectuel. Serait-il la jeunesse qui ne peut quitter son pays tandis que Sila est la jeunesse qui part ? Fazil est-il l’alter ego de l’auteur qui ne veut pas quitter son pays ?
Enfin, il faut dire que beaucoup ont souligné le plaisir de la lecture et la beauté du style.
Ce livre, écrit en prison reste un livre lumineux malgré ce qu’il décrit de terrible sur la Turquie.
Œuvres évoquées lors de la discussion : Le blé en herbe de Colette, Le journal d’Hélène Berr.
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