Le livre a été unanimement apprécié même si certains ont dit ne pas l’avoir « aimé ».
L’auteur, Ukrainien de langue russe, né en 1961, qui était engagé dans les révolutions de 2004 et 2014 n’écrit plus de roman depuis le début de la guerre.
Dans ce roman, il nous plonge dans le monde postsoviétique déboussolé, sans pitié, des années 90 et les bouleversements provoqués par le passage d’un système très protecteur à un système libéral où règne la loi du plus fort ou du plus malin. Le roman est paru en 1996, traduit en Français en 2000.
Victor, un écrivain-journaliste médiocre, fauché et solitaire au début du livre, a adopté un pingouin, Micha, après la ruine du zoo de Kiev. Sans rien comprendre, il se trouve chargé de rédiger des nécrologies bien payées de personnes encore vivantes mais qui qui meurent assez rapidement ensuite. C’est un personnage naïf, passif, un homme qui ne se pose pas de question sauf d’avoir assez d’argent pour nourrir son pingouin puis, ses responsabilités augmentant sans qu’il y soit pour rien, nourrir la petite fille dont il se trouve chargée, puis la nounou de l’enfant. Cela pourrait être la construction d’une vie heureuse mais tout lui arrive sans qu’il le veuille. Sa seule recherche volontaire est de trouver le pingouinologue.
Ce quotidien banal, décrit de façon détaillée avec sa météo, le poisson surgelé, le café, l’alcool, etc. évolue sous l’effet des désordres ambiants, magouilles diverses héritées parfois du communisme (les datchas), désintégration des services (l’hôpital), corruption généralisée, violence dont on ne perçoit que les effets, les morts lointaines (Micha, « pas le pingouin, l’autre », puis Serguei) et les enterrements.
Le récit reste imprécis et place le lecteur dans un état de questionnement permanent. Quels sont ces groupes A et B ? Le groupe A pourrait être une sorte de KGB. Qui commande ces textes, le directeur du journal ou quelqu’un d’autre ? S’agit-il de politique ou de trafics. Des personnages sympathiques mais bizarres (le policier qui prend un nom juif) et qui finissent tous par mourir. Parallèlement à l’aisance croissante de Victor qui envisage d’offrir une maison à Nina, on sent l’atmosphère s’alourdir et l’ambiance devenir de plus en plus dangereuse. La location du pingouin pour les obsèques puis les efforts de ces inconnus à lui sauver la vie grâce à un cœur d’enfant donnent la dernière touche d’absurdité sinistre au tableau. Le livre se termine sur la fermeture d’une sorte de boucle. Victor lit sa propre nécrologie et sauve sa vie en s’enfuyant comme un pingouin, à la place du pingouin … Pas d’inquiétude, le livre suivant nous dira que le pingouin a survécu.
Le pingouin est-il réel ? Est-ce un symbole de la mort, de Victor ? Dépressif, de plus en plus dépressif, mais avec des manifestations de tendresse, il est le seul dont Victor se soucie vraiment.
On a souligné à quel point c’est un livre complexe, qui commence presque comme un conte pour enfant et qui se termine comme un polar et par une pirouette. C’est son humour grinçant qui a été le plus souligné. On rit jaune. Le lecteur est conduit par un récit très concret et très mystérieux à la fois, où l’extravagance ne soulève aucune réaction des personnages, comme si pour survivre, il fallait ne rien voir et ne rien comprendre. Le lecteur sourit, rit… pour supporter.
Répondre
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.